D
epuis son retour à Estrama, Esteban, l’homme au masque de lapin noir, s’occupe moins des travaux de transformation qu’on lui a demandés que du mal né de la révolution menée dix ans plus tôt. Pour cela, il va à la rencontre des hommes et femmes qui y avaient participé et luttent aujourd’hui contre leur ancien camarade devenu président auto-proclamé. Mieux, Esteban leur promet de les aider s’ils lui laissent le temps de découvrir le secret dissimulé dans la crypte de l’église qu’il doit convertir en salle de bal. Mais pour cela, il faut échapper à la surveillance des miliciens du dictateur et, surtout, détenir la clé qui permettra d’accéder au secret.
Commençant par un flashback, ce deuxième tome s’oriente un peu différemment du premier, consacré avant tout au retour au pays du héros et aux causes de son exil. Cette fois-ci, c’est la révolution, telle qu’elle fut vécue par les autres acteurs – déjà présentés ou nouveaux venus –, qui est mise en avant, en même temps que l’organisation d’un réseau de résistance et les tentatives menées pour renverser la dictature. Ce changement se traduit également dans la narration en voix off qui se complexifie. Alors qu’elle exprimait précédemment les seules pensées d’Esteban, elle est désormais partagée par différents protagonistes livrant leur vision des événements, aussi bien passés qu’actuels.
Par ailleurs, si le mystère était bien présent dans Le retour de l’homme qui portait un masque de lapin noir, Akalikoushin l’épaissit encore un peu plus et renforce également l’aspect fantastique. Le lecteur découvre ainsi le folklore antillais et caribéen à travers les figures et les singularités du Carnaval, où les grimages et déguisements omniprésents s’avèrent éloquents. Enfin, l’introspection, bien qu’encore plaisante, cède la place à l’action, vive et efficace, qui aboutit à un final habilement mené pour leurrer le lecteur. Pour ne rien gâter, on retrouve avec plaisir le graphisme semi-réaliste de l’auteur et ses atmosphères sombres, teintées de mystère et d’ésotérisme, que renforce une mise en couleurs aquarellée toute de nuances subtiles.
Grâce à une intrigue riche en énigmes, Le frère du Diable se révèle aussi réussi que le premier tome de Carnaval. Rendez-vous est pris pour la suite.