Résumé: Biopic sans fard d'une légende de la photographie.« Si la photo est ratée, c'est que tu étais trop loin ! » Le plus célèbre des reporters de guerre, auteur polémiqué de la photo de la guerre d'Espagne, l'un des seuls photographes à avoir couvert le débarquement de Normandie et le cofondateur, avec Cartier-Bresson, de l'agence Magnum, nous est livré ici dans toute sa complexité. Un homme extrême, toujours sur le fil du rasoir, recherchant le danger et la mort, hanté toute sa vie durant par son unique amour disparu lors de la guerre d'Espagne. Il n'aura de cesse de braver tous les dangers pour la rejoindre dans une mort en première ligne lors de la guerre en Indochine en 1954.
E
ndre Ernő Friedmann,dit Robert Capa (1913 – 1954), est considéré comme le plus grand photographe de guerre de l'Histoire. Actif du milieu des années trente - ses images de la Guerre d'Espagne le firent connaître de tous - à sa mort tragique au Vietnam, il aura couvert tous les conflits entourant la Deuxième Guerre mondiale. De l'Afrique du Nord à la campagne d'Italie, des plages du Débarquement à l'Allemagne ravagée, son travail au cœur de l'action témoigne inlassablement des destructions aveugles et de la folie des hommes.
Cinq ans après Le carnet de Roger, Florent Silloray a choisi de raconter les années d'activité du grand photographe. Ses heures de gloire sur le terrain, mais aussi ses côtés plus sombres (l'alcool, le jeu, les amours sans lendemain) qui minèrent ce personnage habitué à jouer sa vie pour capter « l'instant décisif » cher à Henri Cartier-Bresson. Biographie appliquée, l'album jouit d'une excellente réalisation graphique. En effet, plutôt que de reproduire les cadrages de son sujet, le dessinateur a intelligemment préféré se placer à côté ou derrière lui. Résultat, ces relectures de photos devenues iconiques (La mort du soldat républicain, La femme tondue à la Libération, parmi tant d'autres) donnent du corps au propos. De plus, le trait réaliste, mais aucunement figé, associé au ton bistre des cases (la marque de fabrique de l'auteur) forment un tout doté d'une esthétique en parfaite adéquation avec la période historique en question.
Par contre, si les planches sont agréables à l’œil, le rythme et le ton général de l'ouvrage sont moins convaincants. Capa est un homme entier et fragile à la fois. Durant son existence, il a côtoyé la mort à multiples reprises, écuma avec son ami Ernest Hemingway tous les bars d'Europe et d'Amérique, perdit Gerda Taro, l'amour de sa vie, sur le front d'Aragon puis vécut une idylle sans espoir avec Ingrid Bergman. Tous les épisodes de cet intense et court destin sont racontés sur le même ton quelque peu clinique. Où est l'odeur de la peur et la poussée d'adrénaline quand il faut sauter sur Anzio ou Monte Cassino ?
Sans doute impressionné et un peu paralysé par la stature de son sujet, Silloray rend une copie sérieuse et complète, mais manquant drastiquement de souffle épique autant que dramatique. Sur un plan plus terre-à-terre, l'absence d'un portfolio, même modeste, est également regrettable. Quelques clichés auraient certainement judicieusement clos l'album.
Les avis
lebadin
Le 28/05/2016 à 19:06:34
Je rejoins totalement le commentaire ci-dessus, et regrette aussi l'absence d'un petit supplément avec la première édition, photos, biographie, etc...
Un détail de dates: page 63, "Chartres, 18 août 1944" (et non 45)...