Résumé: En suivant chronologiquement de 1963 à 1972 l'histoire de Candy jusqu'au sommet de sa gloire à travers le New York underground des années 60-70, c'est aussi l'histoire de tout le milieu artistique et musical de cette époque que nous lisons. Une sorte de roman graphique choral imprégné de toute la culture pop underground de ces années-là, de sororité, d'oppression et de droits sociaux occultés.
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i]Holly came from Miami, F-L-A
Hitch-hiked her way across the USA
Plucked her eyebrows along the way
Shaved her legs and then he was a she
New York, au début des années soixante. En marge de la société bien-pensante émerge une autre manière de vivre, loin des sentiers battus. Holly Woodlawn y cherche sa place. Métro, passage par les toilettes pour troquer sa tenue féminine avant de reprendre l'apparence de son genre et se rendre au travail, puis d'emprunter le chemin inverse le soir.
Candy came from out on the Island
In the backroom, she was everybody's darling
But she never lost her head
Even when she was giving head
Candy Darling est fascinée par la mode, et possède tous les numéros de Vogue et Harper's Bazaar des dix dernières années. Mais elle n'ignore pas la "règle des trois vêtements". Seules deux pièces vestimentaires d'un genre différent de son sexe de naissance sont tolérées. Au-delà, c'est la nuit au poste, avec, au mieux, l'humiliation d'un déshabillage, au pire, le passage à tabac.
Jackie is just speeding away
Thought she was James Dean for a day
Then I guess she had to crash
Valium would've helped that bash
Jackie Curtis aime un peu trop l'alcool et la drogue, alors que certains bars refusent de servir les homosexuel.le.s. Heureusement qu'il existe des oasis comme le Slugger Ann où elle peut être qui elle veut.
Ensemble, elles forment un trio détonnant, qui écume les fêtes et les soirées de la contre-culture avec, en point de mire, le pape de ce monde trépidant: Andy Wharol et sa Factory. Leur ascension se fait dans une société qui les méprise. Autant dire que le microcosme artistique qui gravite autour du maître du Pop Art représente une safe place merveilleuse pour les trans et les queer. Elles en deviendront des superstars.
À travers leur destin, Claire Translate et Livio Bernardo ressuscitent une période foisonnante, véritable vivier artistique et social. Cette fresque chorale gravite autour de ces trois héroïnes reconstitue toute la frénésie d'une époque bouillonnante, marquée par la tentative d'assassinat de Valérie Solanas, les émeutes de Stonewall, événement fondateur de toutes les Gay Pride. C'est aussi une période de débauche et d'excès, en témoignent les parties débridées dans l'arrière-salle de Max's.
Candy Superstar raconte tout cela, privilégiant la capture de l'essence de ces années plutôt que l'hautentique et pure vérité. De nombreuses célébrités défilent dans ces pages, parmi lesquelles Paul Morrissey, Nico, Janis Joplin, Mick Jagger et, bien sûr, Lou Reed, dont la chanson Walk on the Wild Side fait directement référence aux héroïnes, Candy Darling étant en outre l'inspiratrice de Candy Says du Velvet Underground.
Entre génie et sordide, ce livre se révèle très réussi. Le dessin ciselé est richement habillé d’aplats monochromes qui traduisent à merveille l'ambiance d'alors, à l'image d'une after-party sous influence où il est difficile de définir si l'humeur est désespérée ou exaltée. Il est juste dommage que Claire Translate ait choisi d'utiliser le pronom "iel" à plusieurs reprises, ce qui n'a guère de sens dans une reconstitution d'époque. C'est le seul bémol à adresser à ce roman graphique, qui rend un hommage vibrant à une certaine manière de voir le monde, loin de la normalité ennuyeuse.
And the colored girls go
Doo, do-doo, do-doo, do-do-doo