Résumé: Pendant que son frère Chris cherche l’endroit où il a enterré le butin de leur dernier braquage, Burt rencontre une chamane qui lui propose de faire cavalier seul un moment, question qu'il prenne un peu de recul. Une fois de plus, une voleuse de chevaux et quelques indiens viendront compliquer les choses...
Voici la suite de Calfboy de Rémi Farnos! La série se conclura au tome 3, à paraître en 2021.
A
près avoir enterré le butin de son dernier vol, Chris Birden est atteint d’une amnésie éthylique. Burt, son frère et comparse, entre alors dans une colère noire. Il lui accorde trois jours pour remettre la main sur leur fortune. Le cow-boy selle son cheval, visse son chapeau et part galoper sur les traces de sa mémoire. De son côté, Burt va-t-il attendre patiemment à l’ombre de sa grange ? C’est mal connaître le tempétueux animal qui aspire à davantage d’aventure !
Depuis l’obtention de la mention « jeunes talents » attribuée en 2014 par le Festival International de la Bande dessinée d’Angoulême, Rémi Farnos trace son sillon au sein du neuvième art en élaborant des titres auto-conclusifs dans un style affirmé (Alcibiade, Le monde des Végétanimaux, Thomas et Manon). Initialement, il en allait de même de Calfboy. Pourtant, au cours de la réalisation, les éditions La Pastèque perçoivent le potentiel de l’ouvrage. Elles révèlent à l’auteur les arcs narratifs non-clos et lui offrent la possibilité de produire une suite. Une belle opportunité saisie par le bédéiste qui, toutefois, peine à faire décoller son récit et semble contraindre l’expression de son graphisme !
Sortie à l’automne 2018, le premier volet fait reposer son intrigue sur la bêtise d’un antihéros (Chris). Partant à la recherche de l’endroit où il a lui-même enseveli les fruits de son larcin, il rencontre fortuitement une gamine (Lise). Cette dernière pourchasse un bandit, en vue de se venger et de s'enrichir d'une rançon. En alliant ces figures, le script adjoint un autre but à la chevauchée tout en assurant d’agréables interactions. Au fil des pages, les péripéties et les bons sentiments s’entremêlent jusqu’à la conclusion de l’équipée provoquée par la fougueuse adolescente. Un happy end réjouissant pour une lecture divertissante. A contrario, ce second titre se décompose en deux parties distinctes. Il s’ouvre d’abord sur un flash-back qui a vocation à donner de la consistance aux protagonistes, puis se poursuit par une lutte chamanique contre l’addiction de Chris. Véritable épisode de transition, cette continuité manque de sel alors que l’analepse en elle-même contient le matériel essentiel à l’écriture d’un album complet satisfaisant. D’autant que le tempérament de Burt est bien différent de celui de son frangin et que sa cavalcade procure de belles perspectives iconographiques. En complément, le chapitre suivant nécessite également un traitement scénaristique plus approfondi. À tel point que la fin de ce tome est abrupte et que la balade se prolonge dans un opus à venir.
Au crayon, Rémi Farnos travaille assidûment son gaufrier. Il dessine des décors majestueux s’étalant sur plusieurs vignettes dans lesquelles ses interprètes évoluent. Les paysages fragmentés prennent alors le pas sur de petits bonshommes maintenus à bonne distance, de telle sorte que le jeu d’acteur se résume aux dialogues. Ce découpage particulier est à double tranchant. Il permet notamment de mettre magnifiquement en image l’Ouest sauvage, pointant la petitesse de l’homme face à une nature colossale. En revanche, ce procédé restreint l’ampleur des personnages. Les silences ne sont plus destinés à valoriser une émotion, tout comme l’absence de gros plan nuit à la compréhension des intentions. Le lecteur projette ses attentes et seules les conversations donnent du sens. Pour cette publication, l’artiste a diversifié sa palette en intégrant des cadrages plus expressifs. Néanmoins, cette proposition est timorée et le récit se conjugue toujours par un large angle de champ de vision. La focale de l’objectif capte ainsi, dans leurs masses, des valeurs sûres du Western telles qu’une tribu indienne, des canyons vertigineux et une attaque de train. De facto, l’illustrateur a développé un langage qu’il perfectionne à chaque parution et qui le singularise de la production de ses confrères.
En somme, ce nouveau volume de Calfboy est un ton en dessous du précédent. Certes, Rémi Farnos peaufine sa technique épurée et ses mises en scènes « lointaines », mais surtout il révise son rythme de narration. Cette sensation se retrouve décuplée par une chute brutale causée par un synopsis échafaudé pour paraître sous forme de diptyque. Rendez-vous est pris avec le lectorat dans le courant de l’année prochaine, pour infléchir cette légère déception et finir en apothéose une série rafraîchissante !