Résumé: Jane prend son rôle d'aînée très au sérieux car son père est parti quelques jours en ville, la laissant en charge de ses frères et soeurs. Ils sont pauvres, livrés à eux-mêmes dans ce ranch au milieu d'une nature sauvage. La vie est dure mais ils ne sont pas malheureux : jeux, aventures, chamailleries, fous rires, tout irait pour le mieux si la petite dernière de 3 ans n'était pas tombée malade...
A
llongée dans les hautes herbes, une silhouette est l’affût. Des cornes apparaissent dépassant d’un buisson. Un « Pan ! » sonore retentit. Puis, c’est la cavalcade. Jane est assaillie par un troupeau de gamins. Les rires fusent jusqu’à ce que Sara s’avance en chancelant, fiévreuse. La grande sœur laisse le jeu et s’occupe aussitôt de sa cadette. Mais, dans leur maison, il ne reste pas grand-chose pour soulager le mal et guère plus à manger. Comme si cela ne suffisait pas, il y a aussi cette enfant indienne qui revient chaque jour devant chez eux. Que peut-elle vouloir ? Inquiète, Jane se dit qu’elle irait bien jusqu’en ville pour chercher un médecin et, par la même occasion, en ramener son père, parti depuis trop longtemps. Deux ou trois jours de marche, elle peut les faire et ils lui permettraient de se débarrasser un moment des fardeaux qui lui pèsent.
De son véritable nom Martha Jane Cannary, Calamity Jane (1852 ou 1856-1903) fait partie de la légende de la conquête de l’Ouest sauvage (elle-même n’ayant pas hésité à alimenter les récits sur sa geste). Femme portant le pantalon à une époque où cela était interdit, elle a été, entre autres, éclaireuse pour l’armée étasunienne, pionnière, cow girl et, peut-être, danseuse dans les saloons. Son existence à la marge et sa forte personnalité avaient fasciné ses contemporains et ont, depuis inspiré le cinéma, la littérature ou encore Neuvième art. Ainsi, humoristiquement croquée par Morris et Goscinny qui en ont fait le personnage central de la quarantième aventure de Lucky Luke, la rousse au langage de charretier est également apparue dans Cotton Kid. Le duo Matthieu Blanchin-Christian Perrissin en avait également livré sa vision dans une trilogie qui avait su convaincre. Cette fois-ci, Adeline Avril, nouvelle venue dans la bande dessinée, mais déjà autrice et illustratrice pour la jeunesse, dégaine une série destinée aux enfants dont le premier album est paru début octobre aux éditions Delcourt.
Très cinématographique, l’entrée en matière donne rapidement le ton de Fièvre. Le lecteur rencontre en effet une jeune adolescente éprise de liberté que l’absence de parents (la mère est décédée et le père parti quelque part) oblige à chapeauter sa fratrie (deux frères et autant de sœurs). Laissés à eux-mêmes dans un ranch, ils ne mangent plus à leur faim, s’attellent comme ils le peuvent aux corvées et passent le reste du temps à jouer. Rapidement, les tracas surviennent et l’idée de partir à l’aventure fait son chemin chez l’héroïne. Le récit montre bien comment cette dernière vit à travers son imagination, embellissant à l’envi les événements, qu’il s’agisse des souvenirs qu’elle conserve de sa génitrice ou de sa tentative d’aller chercher de l’aide. Si cette tendance à enjoliver fait naître un sourire, elle nourrit aussi la grande fragilité qui habite la protagoniste et que la bédéiste rend avec justesse. La présence de l’Indienne apporte, pour sa part, une note de suspense car ses apparitions inattendues et son statisme suscitent la curiosité. Les réponses données dans les dernières pages ouvrent une séquence un peu magique et douce qui tranche avec la rudesse précédente.
Pour accompagner cette histoire, l’artiste fait preuve d’une maîtrise graphique appréciable. Doté d’un trait semi-réaliste, le dessin dégage une belle expressivité. Ainsi, en quelques échanges de regards et transformations de sourires en moues larmoyantes, Adeline Avril parvient visuellement à faire ressortir toute la tension et la vaste gamme d’émotions présentes chez les enfants, notamment chez Jane. Par ailleurs, les planches se révèlent dynamiques, grâce à un découpage et une mise en scène soignés, tandis que les cadrages variés servent au mieux l’action. Enfin, le rendu mat des couleurs manque de luminosité. Les teintes semblent passées, voire un peu fades ; cela fonctionne, mais fait regretter de ne pas y trouver davantage de pep.
Lecture plaisante, La fièvre ouvre agréablement ce Calamity Jane qui devrait plaire au jeune public. À découvrir.