B
ienvenue à Seattle ! Buddy Bradley vous accueille chez lui. Faites la connaissance de son ami d’enfance, le charmant Léonard, junkie, dealer, rock-star, porn-star, euh t’as pas cent balles ?, du très sérieux névrosé George Cecil Hamilton qui connait la vérité - celle qui est ailleurs -, de Valérie sa future ex-copine, fashionista sous médication et de Lisa son ex-future copine, maniaco-dépressive qui devrait prendre plus de médicaments. Sans oublier son petit frère Butch qui, avant de s’engager dans l’armée, vient lui faire une petite visite. Comment ne pas avoir la haine ?
Rappelez-vous : durant les années 90, Seattle était l’épicentre du grunge. Alice in Chains, Pearl Jam et évidemment Nirvana donnaient le ton au rock mondial. Durant la même période, un comics devenait le titre de référence dans le petit monde de l’underground : Hate de Peter Bagge. À l’instar du Lucien de Frank Margerin pour les années 70, Buddy Bradley et ses amis sont devenus l’emblème de cette courte époque remplie de bruit et de fureur. La comparaison s’arrête là. Loin de la sympathique bonhommie des héros de Margerin, Bagge opère dans tout autre registre : humour hautement corrosif, thèmes et situations adultes, le tout emballé dans un dessin charbonneux virevoltant.
Au-delà de ses héros, Bagge raconte avec beaucoup de talent une partie de la jeunesse typiquement américaine. Ces quasi-adultes sans trop de but ou d’éducation se retrouvent dans une société qui n’a pas vraiment besoin d’eux. De petits boulots en galères diverses, ils se retrouvent en conflit quasi-permanent avec une réalité remplie de jugements moraux incompréhensibles pour eux. Dans le même temps, il ne s’agit pas d’une étude sociologique. L’auteur agit peut-être comme un témoin plus ou moins concerné - plusieurs éléments sont auto-biographiques - d’une époque, mais avant tout, il s’amuse beaucoup. Pour le plaisir du lecteur, il pousse ses personnages au maximum. Les situations sont extrêmes, outrageuses et racontées avec une certaine mæstria graphique. Des histoires comme la tentative de dîner romantique entre Valérie et Buddy ou la courte carrière musicale de Léonard resteront sans doute comme de grands moments d’hystérie dessinée.
Ressortez du placard votre grosse chemise à carreaux et vos jeans troués, sélectionnez Nervermind sur votre ipod et plongez-vous dans En route pour Seattle !
Sur le même sujet :
- le site internet de Peter Bagge