Résumé: L’une s’appelle Brune, l’autre Platine. Elles sont partenaires dans l’agence qu’elles ont créée ensemble : « Brune Platine – Enquêtes en tous genres ». Leur nouvelle cliente, une jeune fille du nom de Claire, déclare être à la recherche de son père, Jean-Paul. Détail troublant : elle porte au cou une cicatrice très ancienne, qui s’est récemment rouverte et ne se referme plus. Assez vite, l’enquête de Brune et Platine les mène dans les Balkans, où elles découvrent que Jean-Paul s’appelle en réalité Vladimir, et qu’il y dirige un établissement spécialisé dans le secours aux enfants des rues. Bref, un bienfaiteur. Mais évidemment, les choses ne sont pas aussi simples…
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our Claire Gayrault, les blessures d’enfance ne sont pas que métaphoriques, elle saigne littéralement de cette cicatrice héritée d’une chute dans la maison familiale, juste avant que son père n’abandonne le foyer. Retrouver ce père absent, voilà ce qui motive aujourd’hui la jeune femme pour s’adresser à l’agence Brune Platine, le bureau de détectives tenu par deux donzelles aussi dissemblables en apparence qu’unies par une relation complice. Mais cette affaire va se révéler bien plus complexe que prévu. Passablement plus dangereuse aussi.
Belle découverte que ce couple d’enquêtrices : Platine, plantureuse blonde canaille et casanière, ordonnatrice dans l’âme, et sa comparse Brune, grande gigue élancée et téméraire, multipliant les amours saphiques. Leur franc-parler réjouissant, leur intimité foutraque, leur efficacité sur le terrain, tout cela est habilement mis en scène par le duo d’auteurs. Puis, c’est le dépaysement garanti, lorsque l’intrigue est transposée vers l’Herzéguie, pays fictif au fort parfum d’ex-Yougoslavie. Enfin, la tournure sombre prise par le récit apporte un rehaut de tension dramatique faisant un parfait contrepoint au ton plaisamment gouailleur de la série. Car, malgré ce que laissent penser les errements de la communication chez Casterman ou le changement inopiné de collection, il s’agit bien ici du premier tome d’un diptyque, et ce qui pourrait apparaître comme une conclusion brutalement cruelle est en réalité un cliffhanger redoutable.
Pour accompagner le scénario de Lisa Mandel (Esthétique & filature, Vertige), le dessinateur Marion Mousse (L'écume des jours, Fracasse) offre un trait simple ponctué d’un encrage fin et frémissant, capable de souligner les sentiments des personnages avec une belle économie de moyens, usant habilement des détails qui font mouche pour donner de la véracité aux décors. La mise en couleur délicate et lumineuse, en aplats nets, réalisée par Hélène Georges, vient parfaire ce graphisme efficace et rythmé. À cet égard, les scènes nocturnes sont particulièrement percutantes, instillant le trouble et l’angoisse avec force.
Détournant les codes habituels du genre, Brune Platine est une œuvre crue, originale, spontanée, alternant noirceur et fraîcheur, au ton délicieusement acidulé, mais laissant une pointe d’amertume que seule la découverte du destin des héroïnes dans le prochain volume pourra effacer.