L
iège, sa gare clinquante et pharaonique aux courbes parfaites.... Rembobinage : ce n’est pas dans ce Liège là que se déroule ce chassé-croisé de perdants, que se joue cet hymne à la « loose ». Si les auteurs ont, en quelque sorte, accompagné leur histoire d’une B.O. très rock où la cassette audio est célébrée comme un mythe, ce qui émane du décor n’est pas en reste. Industries à l’état de cadavre, banlieues vaguement pavillonnaires agonisantes et cités en sursis, le noir et blanc s’impose comme une évidence. Pas dans sa version artistique et esthétisante, où le glauque est couché sur son lit de papier glacé, mais dans un style réaliste et sans faux-semblant.
Tout commence quand deux frères vont dans un rade sordide pour voir un match de foot qui se joue dans la ville. Tout commence quand deux cousins se congratulent d’être passés à la caisse d’une superette sans avoir payé la bière. Tout commence quand il a besoin de sa voiture, mais qu’il voit Jeanine, sa femme, partir avec. Peu importe, il ira à vélo. Rêves de gloire et vie de merde, sentiment de puissance et de mesquinerie, perdant un jour, perdant toujours, les protagonistes ont cela de merveilleux : il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. La bêtise et méchanceté sont à la fête. Georges Van Linthout (dessin) et Benjamin Fisher (scénariste) ont donc opté pour un découpage en trois histoires qui se croisent et se recroisent pour en raconter une. Cela impose quelques allers-retours dans l’album, mais ce choix est le bon, car il donne une indéniable consistance à ce récit qui aurait vraisemblablement perdu à être raconté de manière linéaire.
Par essence, cette lecture prête à sourire (mais comment font-ils ? Ils sont vraiment trop bêtes...), mais sans pour autant que cela n’empiète sur le caractère « polar noir » de l’ensemble, le juste équilibre entre ces deux éléments étant maintenu d’un bout à l’autre de l'album. Du très bon.