Résumé: Né Juif en Pologne en 1925, Hertzko Haft, comme tous ses coreligionnaires, vit l’entrée dans la Seconde Guerre mondiale comme une tragédie. Rapidement envoyé en camp de travail, le jeune homme apprend la survie de manière inattendue : sommairement formé à la boxe par l’un de ses geôliers, il devient une sorte d’attraction sportive au coeur de l’horreur concentrationnaire, en livrant des combats de boxe qu’il parvient toujours à gagner. Miraculeusement rescapé de l’holocauste, Hertzko Haft finira après-guerre par émigrer aux Etats-Unis. Là, tirant parti de son étrange expérience sportive, il se remet à la boxe, avec une idée secrète : devenir si célèbre que Leah, la jeune Polonaise dont il est tombé amoureux au tout début de la guerre et dont il a perdu la trace, entendra forcément parler de lui…
L
a guerre, le IIIe Reich, la Solution finale, ces évènements pris dans leur globalité peinent à transmettre avec précision l'horreur endurée par les victimes. Il n'y a guère qu'un témoignage individuel pour rendre l’indicible quelque peu concret. Le boxeur est un parfait exemple de cette indispensable passation de la mémoire.
Reinhard Kleist (Johnny Cash, Castro) aborde son sujet très traditionnellement, une scène contemporaine d'introduction et, immédiatement, un retour en arrière. Le héros, Hertzko Haft, un juif polonais, narre son histoire : né en 1925, il perd son père très tôt. Son enfance est dure, miséreuse même. L'antisémitisme présent depuis toujours en Pologne l'oblige à se forger précocement un caractère bien trempé pour se faire une place au soleil. Arrêté et déporté lors de la déferlante nazie, il connait, comme des millions d'autres innocents, l'enfer des camps de travail et de concentration. Véritable dur-à-cuire – le dessinateur le dote invariablement d'un rictus impitoyable -, il doit sa survie à une hargne de tous les instants. Pas spécialement sportif, il est néanmoins repéré par un officier SS et devient son poulain dans des parodies de matchs de boxe organisés par les gardiens. Le vainqueur a le droit de vivre, quant au vaincu... Finalement, il réussit à s'évader lors d'une des marches de la mort annonçant la capitulation du régime hitlérien. De camps de regroupement en équipée personnelle, il émigre aux USA où il fait même une courte carrière de boxeur professionnel.
La seconde partie du livre narrant les mésaventures de Haft dans le monde de la boxe américaine, alors supposément sous la coupe de la Mafia, sonne un peu creux après l'intensité de la guerre. Ces pages sont cependant très intéressantes, car elles montrent la reconstruction du survivant face à l'incompréhension de son entourage. Comment transmettre son expérience alors qu'elle est indescriptible ?
L'album est magistralement mis en image. La narration, qui rappelle les romans graphiques du grand Will Eisner, est précise et pudique à la fois. L'auteur montre tout, ne se censure pas, préférant jouer sur le style des dessins, passant d'un trait clair à une noirceur quasi-impénétrable pour dépeindre les scènes les plus insoutenables. Le lecteur est immergé dans cette existence où la survie justifie tous les moyens.
Sobre et complet, Le boxeur a parfaitement sa place entre Maus et À l'ombre de la gloire. À lire.
Les avis
Erik67
Le 01/09/2020 à 18:17:45
Cette bd aborde un thème rarement connu: le sort des boxeurs durant la Seconde Guerre Mondiale qui ne plaisaient pas aux nazis. En effet, de nombreux champions ont terminé leur vie dans les camps de concentration. Il se trouve que dernièrement, j'ai lu Zigeuner qui traitait également du destin d'un célèbre boxer à savoir Johann Trollmann qui était d'origine Tzigane et qui fut abattu en 1943 par les nazis.
La première partie de l'ouvrage est sans doute la plus poignante avec le passage dans les camps de concentration où les matchs de boxe permettait de divertir les dignitaires. La seconde partie sur le sol américain paraîtra un peu plus fade malgré les matchs truqués par la mafia locale.
Une oeuvre historique de 180 pages qui sera documenté à la fin par un documentaire sur le sort des différents boxers dans les camps. Le présent roman s'intéresse au polonais Hertzko Haft et c'est un bel hommage qui est rendu par l'auteur de Castro. Visiblement, l'auteur arrive à nous émouvoir. Le dessin ressemble un peu de Wil Eisner.
En conclusion, une histoire poignante servie par un dessin à la hauteur.