Résumé: Nous avons quasi tous un ami qui nous a dit un jour « Ça fait des années que j'écris un scénario pour le cinéma ».Et si, après sa mort, c'était tout ce qu'il nous restait de lui, un scénario mal écrit ?Après le décès d'Henri, leur ami d'enfance, Anne et Fred découvrent le scénario dont il parlait tant. Une histoire mal écrite, frôlant la série Z et flirtant avec du porno ringard. Les deux protagonistes décident malgré tout, en mémoire de leur ami défunt, de tourner le nanar.Ce sera « Les aventures d'Adrix le Destructeur, l'Empereur des 9 Galaxies ».Élise, la compagne de Fred, a du mal à accepter que son cher et tendre devienne le héros de ce film digne des plus mauvais films de sexploitation italiens des années 60. Il n'est pas facile de laisser sa moitié tourner dans un film de SF porno... même par amour.Fred est cheminot. De nature discrète, le film qu'il réalise avec Anne est l'occasion d'être sur le devant de la scène, une première pour lui, si introverti.Anne travaille comme monteuse sur des documentaires animaliers. C'est donc logiquement qu'elle pense être la bonne personne pour prendre le projet du film en main.Élise, institutrice en plein questionnement sur son couple, bien que bienveillante envers l'hommage à leur ami commun Henri, supporte mal les déboires qu'occasionne le tournage.Entre tournage catastrophique, problème de financement, désaccords artistiques, tensions amoureuses... À quoi pourra bien ressembler le film à la fin ?Au delà de l'aventure artistique, moment inattendu pour sortir de leur routine habituelle, c'est bien un travail de deuil qui s'amorce en toile de fond des préparatifs. Henri, l'ami un peu excentrique qui nouait leur petit groupe autour du cinéma B, devient à la fois trop présent et cruellement absent, pendant que s'enchaînent les galères d'un tournage fauché.Antoine Bréda, en amoureux des séries Z et autres films alternatifs des années 60 et 70, nous plonge dans les périples du cinéma amateur : tournage sauvage, rencontres inquiétantes, imprévus coûteux... Mais il n'oublie pas au passage de rendre hommage au cinéma qu'il affectionne tant, avec ses personnages improbables et ses couleurs chatoyantes des pulps italiens. On navigue au gré des scènes entre le présent douloureux des personnages réels et l'hilarante absurdité des héros de pellicule.
«
Ô maître Adrix, votre phallus est tel un glaive dans l’espace. Transperçant la Voie lactée. »
Anne tient mordicus à tourner Adrix, un film de science-fiction aux accents pornographiques. Le script apparaît médiocre, la planification bancale et les acteurs sans expérience. Élise, la compagne de Fred, le comédien principal, voit l’aventure d’un mauvais œil et lance un ultimatum à son époux : s’il participe à la scène finale avec la sorcière bleue, ce pourrait être la fin du couple. Pourquoi diable la productrice souhaite-t-elle réaliser ce navet destiné à une diffusion confidentielle ?
Auteur complet, Antoine Bréda propose d’abord une réflexion sur la vanité de la création, vue à travers la concrétisation d’un synopsis risible porté par la volonté d’une protagoniste un chouïa despote et mégalomane. En toile de fond, se lit une intéressante variation sur le triangle amoureux. Petit à petit, la mémoire s’impose comme le véritable propos. Le projet se veut une façon de conjurer l’oubli. Ce glissement est bien amené, il éclaire la complexité des motivations, mettant ainsi en lumière la profonde humanité de ceux qui étaient au premier abord antipathiques. La densité des personnages est habilement traduite et le scénario des Boules se révèle beaucoup plus solide que celui d’Adrix.
La proposition est portée par un agréable trait charbonneux mêlé à des teintes posées en aplat. Les illustrations sont exécutées avec une économie de moyens : une ou deux couleurs par case, rareté des décors et comédiens essentiellement présentés sous la forme d’esquisses. Un peu comme si, à l’image du film, l’album était lui aussi produit avec des ressources limitées. Les vignettes aux bordures hésitantes renvoient également à la production cinématographique dont les contours demeurent incertains.
Une lecture plaisante, mais rapide, malgré les quatre-vingt-seize planches. Une bande dessinée susceptible de plaire aux amateurs des comédies dramatiques de Woody Allen.