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lors que le shérif Beasely patauge dans son enquête, Shug, accusé à tort, a été lynché. Quant à Lem Taylor et Leland, ils s’enfuient toujours à travers l’Arkansas. Passant à proximité de Little Rock, Lem a l’idée de rendre visite à la seule personne qu’il connaît dans la région, espérant obtenir de l’aide.
Ce tome 3 conclut magistralement l’épopée de Lem Taylor à travers le Sud profond des Etats-Unis. Confronté aux grands démons de l’époque (grande crise de 1929) et du lieu (terre d'oppression omniprésente des blancs envers les noirs), le jeune musicien réussit quand même à trouver une lueur d'espoir dans la musique (« hope » est le sous-titre du tome 1). Mais le destin et Rob Vollmar en ont décidé autrement. L’auteur entraîne le pauvre homme dans la tempête, et ce qui aurait pu être un banal road-movie, se transforme en intrigue policière haletante.
Le polar vire d’ailleurs assez rapidement en chasse à l’homme, laissant se confronter deux types de poursuivants. Le shérif intègre qui croit à la culpabilité de Lem, mais aussi à son droit à un jugement correct, et le riche propriétaire blanc, pour lesquels tous les « nègres » sont forcément coupables. Le piège se resserrant autour du fuyard coïncide avec le dessin qui devient plus noir et le fond plus sombre, au cours des albums. La technique de Pablo Callejo (crayonnés et encrage manuels, scannés sur un fond gris et mis en « couleurs » avec du blanc et du noir) ne dévie pas de son chemin tout tracé. La maîtrise est totale et l’ambiance sordide des événements parfaitement recréée. La façon qu’il a de détourer les visages pour faire ressortir la couleur de la peau, contribuant ainsi à souligner les gueules de ses personnages, force l'admiration.
Décidément, Bluesman est une réussite complète. C’est le pari gagné d’un éditeur qui a choisi de publier deux auteurs peu connus des lecteurs francophones, mais c'est aussi un succès artistique, une dénonciation acerbe de l’oppression et une découverte passionnante du blues des années vingt.