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i>Bluesman est l'histoire de deux musiciens itinérants, Lem et Ironwood qui battent la campagne et dorment dans des granges à la recherche du petit contrat qui leur permettra au moins de manger. Alors qu'ils pensent avoir déniché la chance de leur vie, les événements se précipitent pour basculer dans le sordide. Au début de ce tome 2, on retrouve Lem fuyant la région à bord d’un train de marchandises, alors qu’à Hope le shérif Beasely est chargé de l’enquête, suite aux épisodes tragiques qui avaient conclu le précédent volet.
Dans cette description abrupte de la période qui précéda la grande dépression, Rob Vollmar juge les situations extrêmes auxquelles étaient confrontés les bluesmen américains, contraints pour survivre de proposer leurs services de bars en bars, le plus souvent en échange d’un maigre repas. Il nous montre avec simplicité que le public répondait présent si le talent était au rendez-vous, même si décrocher un contrat d’enregistrement était chose rare à l’époque. L’auteur aurait pu se contenter de nous relater les mésaventures des deux pauvres traîne-savates, mais au contraire il a assemblé une véritable intrigue, tournant au polar dans ce volume, et qui sait captiver le lecteur. Contrairement à la série Fats Waller dans laquelle Sampayo nous ennuyait profondément, Vollmar sait ici nous émouvoir en relatant les déboires de gens simples, se débattant pour survivre dans un milieu où tout leur est hostile.
Si le scénario est digne d’intérêt, c’est au dessin qu’il faut accorder un surcroît d’attention. La maîtrise totale du noir et blanc, qui s’imposait logiquement pour ce style d’album, est signée Callejo, auteur espagnol guère plus connu des lecteurs francophones que le scénariste. Tout y est particulier : l’encrage épais qui renforce le côté « trogne » des personnages, les cadres d’une simplicité extrême et qui laissent le champ libre à l’intrigue, et puis le découpage en 4 chapitres équilibrés, tout ceci contribue à créer un style unique qui sera bientôt reconnaissable entre tous. Laissez-vous entraîner dans l’univers de Bluesman, dont l’ambiance brûlante n’est pas sans rappeler les premiers noir et blanc de Jim Jarmush.
Une excellente découverte que nous propose encore une fois Akileos, à lire en écoutant Lightnin’ Hopkins ou Robert Johnson, ou pourquoi pas le tout récent album de Ben Harper and the « Blind Boys of Alabama ».