Résumé: Qu’il soit dandy, romantique, séducteur, ou même cruel, le vampire est l’archétype même du personnage sombre et gothique. Mais Lilith n’est pas un archétype ! En effet Lilith est une femme vampire qui vit le jour, extériorise sa bonne humeur malgré son air nostalgique, et porte de grandes lunettes rondes. Elle tient aussi une jolie auberge dans une charmante ville à l’architecture normande. Dans ce cadre paradisiaque, elle attend ainsi le retour sur Terre… du Diable ! En effet, le 24 décembre 2000, celui-ci doit prendre le relais de Dieu sur le destin de notre monde. Cependant, le Diable arrive en fait le 25 décembre 1997 ! En effet, le calendrier chrétien est en retard par rapport au véritable temps écoulé entre la naissance du Christ et l’aube du troisième millénaire. Résultat, le Diable arrive sur Terre avec trois ans d’avance.
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ame Lilith n'est pas une vampire comme les autres : non seulement ne craint-elle pas la lumière du jour, mais elle voue également une véritable passion au genre humain. Aussi attend-elle avec impatience le retour du Diable sur terre à l'aube du troisième millénaire. Mais en fait de Diable, c'est plutôt une belle Diablesse qu'elle accueille. Qui aurait cru que Satan se présenterait sous les traits d'une femme aux formes si séduisantes et aux idées si tolérantes ? Toujours est-il qu'elle va accepter de passer du temps avec les hommes avant de rendre son jugement, le dernier : méritent-ils de vivre ou bien est-ce l'heure de la fin du monde ?
Le tour de force de Kara avec Le bleu du ciel est d'avoir éloigné Dieu, Diable et autres créatures de légendes de leur imagerie traditionnelle pour en faire les acteurs d'un récit aux accents profondément humanistes. En effet, comme à son habitude, il construit son récit sur une alternance entre action et introspection, accordant une importance primordiale aux personnages et à leur quête personnelle, au-delà d'une intrigue principale qui ne les occupe que par intermittence. De fait, même une figure aussi charismatique que la maîtresse des Enfers semble continuellement en proie au doute quant aux décisions à prendre et à la façon de concrétiser ses propres rêves. Où l'on se rend compte qu'un pouvoir sans limite ne permet pas forcément de tout faire.
Ainsi le récit se poursuit-il sans véritable temps mort, balancé entre scènes de combat et moments de répit où tous prennent le temps de s'arrêter pour réfléchir aux actes qu'ils devront poser. L'équilibre entre ces différents rythmes ne souffre d'ailleurs d'aucun défaut, marquant ici un net progrès par rapport aux précédentes oeuvres de l'auteur où les longs monologues pouvaient parfois s'avérer pesants. La série étant prévue en trois tomes, contre un et deux pour Gabrielle et Le miroir des Alices, Kara s'est accordé plus d'espace et donc plus de temps pour dérouler le fil de son histoire et diluer ses pensées existentielles auxquelles il semble tant tenir.
Au niveau du dessin et de la mise en page, les progrès se font également sentir. A mesure que le trait s'affine, accompagné de couleurs qui donnent aux planches de Kara un style très personnel, le découpage gagne en lisibilité et contribue à rendre l'histoire plus facile à suivre que par le passé. L'ensemble constitue une synthèse impeccable entre les influences très typées manga de l'auteur et le format franco-belge dans lequel il se fond sans problème.
Dame Lucifer signe donc le début d'une série à la fois facile d'accès et intelligente dans son propos, qui se prévaut par ailleurs de personnages à la psychologie des plus intéressantes et qui sont loin d'avoir livré tous leurs secrets. Après un Gabrielle très prometteur et un Miroir des Alices bouillonnant, Kara semble avoir trouvé avec Le bleu du ciel un juste équilibre entre ses influences et ses propres envies, s'imposant de plus en plus comme une valeur sûre. De quoi attendre la suite de son parcours avec un intérêt grandissant.