En lisant cet album, on en arriverait presque à regretter l’Amérique de Nixon, de la guerre du Vietnam, des manifestations contre les injustices... Effectivement, cette époque se caractérise par une jeunesse militante ayant la volonté de changer le monde contrairement à celle d’aujourd’hui qui ne s’intéresse guère qu’à consommer encore et encore. Midge, l’héroïne, est une jeune étudiante de la « middle class » sans personnalité aucune dont les parents sont réactionnaires et racistes. A son corps défendant, elle apprend à l’université l’émancipation, la liberté, le combat politique, l’homosexualité et la lutte contre le racisme. Cette chronique extraordinaire de la vie ordinaire d’une fille pressée de vivre des sensations fortes et nouvelles, loin du carcan familial, est un véritable plaisir de lecture. La découverte de l’amour libre a transformé l’étudiante en obsédée sexuelle digne de Joe Matt. Le dessin est assez proche du croquis, jeté pêle-mêle sur la feuille comme une sorte de catharsis pour l’auteur de ce comic autobiographique.
Roberta Gregory commence sa carrière en faisant des bandes dessinées qui racontent la vie de tous les jours, comme c’est souvent le cas dans l’édition indépendante américaine. Ainsi, les auteurs undergrounds peuvent-ils critiquer le conformisme de leur société puritaine et politiquement correcte. Elle est publiée dans des journaux féministes et lesbiens tels que Tits and clits ou gay comix depuis ses années à l’université — il en est question dans le prologue de cet album. L’auteur, dont l’œuvre reste toujours relativement confidentielle, est aujourd’hui éditée chez Fantagraphics, un des géants de la presse alternative américaine.