S
ouvenez-vous. Vous êtes en vacances, le soleil brille, la vie est belle. Il vous prend alors l'envie irrépressible de le faire savoir aux amis et à la famille restés au pays. Mais soudain, angoisse, panique, horreur, il va falloir écrire une carte postale... et vous ne savez pas quoi dire. C'est à ce moment que vous vous imaginez dans la peau d'un Victor Hugo, misérable devant sa feuille blanche, ou, selon vos références, d'un Laurent Ruquier, incapable de pondre la dernière connerie qu'il bafouillera à la radio.
Bien des choses, d'abord pièce de théâtre avant d'être adapté en livre, c'est un peu tout cela, un condensé de l'histoire de la carte postale. Petit morceau de carton porteur de nouvelles, ou du moins les meilleures, celles qu'on veut partager, dont on n'a pas honte, elle témoigne d'une tradition qui, bien que menacée par l'essor des nouvelles technologies, n'en a pas moins la vie dure. Petite manie désuète dans un monde où le tout à la modernité ne souffre que peu de contestation.
François Morel, partant du cas particulier pour toucher à l'universel, rassemble dans cet ouvrage atypique, ni roman, ni bande dessinée, la correspondance estivale entre la famille Brochon et la famille Rouchon. Et tout y passe ! Entre les disputes de ménage et les anecdotes cocasses, le plaisir d'être parti et, il faut bien le reconnaître, une certaine nostalgie pour son petit « chez soi » et ses émissions télé préférées, l'auteur dresse un portrait amusé et amusant du vacancier moyen. Toujours bien tournés, les textes parviennent à faire rire sans jamais vraiment se moquer, portant un regard plus attendri que véritablement critique sur des comportements qui prêtent naturellement à sourire.
Bénéficiant de la participation de Rabaté, qui illustre ces quelques missives de dessins croqués sur le vif, Bien des choses fait de sa légèreté son maître atout. Il assume clairement son côté purement anecdotique et se hisse au rang d'une curiosité à déguster sans modération, dans le même esprit que l'excellent Farniente de Trondheim et Hérody.