Le 03/12/2025 à 10:39:51
Manga hors norme par sa longueur, par son aura, sa radicalité et par la mort de son auteur à 54 ans (d’épuisement selon certaines rumeurs) devenu l’icône d’un perfectionnisme du dessin autant que d’un stakhanovisme suicidaire de l’industrie du manga japonais, Berserk revient dans une édition Prestige également hors norme dans sa fabrication. Composée de doubles volumes d’un format proche de celui déjà exceptionnel de l’édition Grimoire de l’Atelier des sorciers, cette édition vise à être une pièce de choix dans votre bibliothèque: couverture unique reliée et illustrée par le glyph de Guth en impression gaufrée et la tranche laquée de rouge, signet rouge, planches couleur et nouvelle traduction des textes. Pour rappel, les premières éditions de manga étaient souvent en papier jaune et pas toujours d’une impression nickel. A ce titre on retrouve l’intérêt de toutes les éditions dites Perfect (qualité du papier et d’impression) mais ajoutée d’une finition luxueuse qui justifie amplement le prix de vingt-cinq euros (soit treize euros le tome au lieu de sept). A noter que cette réédition suit la collector du nouveau tome 42 inédit et posthume, réalisé par le mangaka et ami de Miura, Kouji Mori. Encore un très beau travail de Glénat après les rééditions Akira et de l’œuvre de Tsutomu Nihei. Guts est le Chevalier noir, farouche guerrier armé d’une épée titanesque et d’un bras mécanique, parcourant les terres dévastées par les guerres dans un but mystérieux. Sauvant inopinément un elfe des griffes de la soldatesque, son caractère violent le mets rapidement aux prises avec de puissants seigneurs qui le tolèrent pas l’affront de son apparente invincibilité. Sans cœur, d’une brutalité inouïe, Guts se voit perturbé par la présence de cet elfe innocent qui n’accepte pas que celui qui l’a étrangement sauvé se comporte comme le pire des méchants. Que cache Guts, dont les terribles cicatrices couvrent un passé terrifiant? Ces quatre volumes recouvrent le premier Arc de découverte, « Le Guerrier noir« , ainsi que le début de « l’Age d’or » qui décrit la vie de Guts de sa naissance à l’adolescence. Les premiers chapitres mettent Guts aux prises avec de nombreux adversaires, son lien particulier avec les esprits des morts et son affrontement avec le Comte, être démoniaque qui révèle l’univers parallèle des God Hand, divinités maléfiques, dont l’irruption crée un véritable saut narratif dans l’enjeu du manga. Etres supérieurs dotés de pouvoirs liés à la haine et au Mal des humains, ils connaissent Guts, qui ne recule devant rien pour tenter de s’en prendre à l’un d’eux, Griffith. L’Age d’Or raconte la naissance du anti-héros, accouché d’une pendue et recueilli par une horde de mercenaires dont le chef le violentera. Bati dans la mort, l’épée et l’absence d’amour, Guts est dès ses onze ans une machine de guerre qui va voir sa vie bouleversée par sa rencontre avec un certain Griffith, chef talentueux d’une troupe de mercenaires redoutée… Il faut reconnaître que les premiers chapitres (couvrant globalement le premier arc) ne révolutionnent pas le genre ni ne brillent par des dessins certes pleins de passion mais encore très perfectibles techniquement. Ce qui marque dès les premières pages ce sont la quantité de traits que renferme une planche, le style de Miura étant basé sur les hachures de textures ou de mouvement. Utilisant beaucoup les trames, elles vont être progressivement remplacées par de véritables traits jusqu’à détailler de doubles pages fourmillant de détail dans des décors de bataille médiévale. Radical dès l’origine, l’auteur nous présente un héros aussi détestable dans sa haine de tout que surpuissant avec sa lame plus grande qu’un homme. Sans pouvoir autre que sa détermination, la quantité de blessures qu’il révèle (son bras gauche est occupé par un mécanisme renfermant un canon ainsi qu’une arbalète automatique et son œil droit semble mort) intrigue et cache une vie terrifiante que nous allons découvrir. Si les combats sont déjà très nombreux, gores à souhait (avec décapitations et éviscérations multiples), l’enchaînement avec l’origin story fonctionne parfaitement en créant une certaine compassion pour ce gamin jeté dans un monde de mort et de violence et condamné à se raccrocher à son tortionnaire de père adoptif. Ce début inspire d’ailleurs directement l’autre grande série en phase de s’achever, Vinland saga, sur laquelle on sent à chaque instant l’influence de Berserk tant dans le traitement, la construction que le dessin. Je dois dire que le démarrage me faisait craindre une énième série outrancière sans autre justification que les monstres de body-horror et les combats ininterrompus. Il faut dire que le design du démarrage est par moment un peu too-much jusqu’à cette irruption des God Hand, véritable bascule. L’auteur parvient ainsi à cultiver l’envie sans en rajouter puisque après avoir profité d’un full-action appuyant sur l’abomination des puissants avec force viols, décapitation cannibalisme et j’en passe on entre dans un certain classicisme (jusque dans les dessins, beaucoup plus fins), sur l’arc de l’Age d’or qui court sur une centaine de chapitres et approfondit à la fois la psychologie du personnage, les interactions et l’univers plus historique que dark-fantasy, laissant le lecteur dans l’expectative de savoir quand et comment ce monde a pu basculer. En démarrant la lecture ma motivation était surtout éditoriale pour découvrir ce magnifique objet. En refermant le second volume mon envie de continuer est forte et ma surprise devant la qualité graphique, de découpage et psychologique du manga non feinte. Comme pour la Perfect d’FMA, la qualité de l’édition est sans doute pour beaucoup dans ce plaisir sincère. Toujours très réservé à me lancer dans une grosse série manga, je suis obligé d’admettre que je suis pour l’instant hameçonné. La réputation de Berserk n’est pas usurpée, malgré l’âge de l’œuvre. Lire sur le blog https://etagereimaginaire.wordpress.com/2025/06/20/berserk-edition-prestige-1-2/ Visuels Instagram: https://www.instagram.com/p/DLHXQjXNzIB/?img_index=1BDGest 2014 - Tous droits réservés