Résumé: Un Dracula plus vrai que nature : retour sur une légende de l'âge d'or Hollywoodien.C'est sous les traits blafards d'un vampire que le public découvre Bela Lugosi dans le film de Tod Browning en 1931. De son vrai nom Béla Blaskó, Lugosi incarne le comte Dracula comme personne avec un accent plus vrai que nature, celui de son pays d'origine, la Hongrie. Le charme opère et le film fait le tour du monde. Pour Lugosi, arrivé en Amérique avec 100 dollars et 10 mots d'anglais, c'est la consécration ! Mais que sait-on de la vie tumultueuse de ce comédien aussi volage que flambeur ? Né en 1882, Lugosi connaît le dénuement et la guerre avant que son charisme ne lui ouvre les portes du théâtre. Quand le communisme s'effondre en 1919 il est obligé de fuir: ce sera Vienne, puis Berlin et enfin les Etats Unis ! Les débuts sont difficiles mais en 1927 Lugosi a rendez-vous avec son destin : il monte sur les planches à Broadway pour jouer... Dracula ! Ce rôle lui colle à la peau, les spectateurs en tremblent. Pourtant, cette reconnaissance internationale le vampirise. C'est peut-être pour cela qu'il refusera de jouer encore une fois une créature... Frankenstein. Erreur, le film est un triomphe. Cantonné aux rôles d'épouvante, comme Dracula à son cercueil, Lugosi sombre doucement dans la drogue et en est réduit à tourner en fin de carrière avec Ed Wood, considéré comme le plus mauvais cinéaste de l'Histoire ! Sa vie sentimentale complexe ne lui sera d'aucun secours même si sa dernière épouse l'accompagnera jusqu'à sa mort en 1956. Après cinq mariages et plus de 110 films à son actif, Bela Lugosi reste un acteur phare de l'âge d'or Hollywoodien et l'une des figures les plus emblématiques du cinéma d'horreur. Enterré avec sa cape noire doublée de rouge, Lugosi entre dans la légende du 7e art. Immortel à l'image de Dracula, il sera à l'origine de folles rumeurs liées encore et toujours, à son personnage mythique.Philippe Thirault et Marion Mousse, associés pour la première fois, relèvent un défi de taille en signant un roman graphique de plus de 135 pages pour une lecture aussi glaçante que ludique, usant d'un noir et blanc parfaitement maîtrisé. Une belle performance.
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956, Hollywood, Beachwood Drive. Béla Lugosi, qui a sombré dans l’anonymat, se débat dans une morne existence, entre ses maux de dos, son besoin de morphine et Hope, sa mal nommée épouse, acariâtre et égoïste. Ils sont tous les deux dans la dèche. Alors que Hope part travailler et laisse le maître à son triste sort, Danny Sheffield s’invite chez lui. Il se présente comme son plus grand fan sur terre. Il a créé un musée dédié à son idole dans son sous-sol et touche le nirvana en rencontrant l’objet de sa passion, même au cœur d’un enfer domestique, d’un quotidien sordide et d’une déchéance inéluctable. L’infirme lui parle alors d’Ilona, son grand amour, qu’il a laissé à Vienne, lui promettant de la faire venir dès que les conditions matérielles seraient réunies, qu’il ne reverra plus. Une de ses ex-épouses, Lilian, vient lui rendre visite, effectuer quelques tâches ménagères et lui prodiguer des soins. Danny reçoit alors les confessions de l’un et de l’autre, des morceaux de vie, Lilian corrigeant quelques élucubrations du vieillard, qui n’a jamais pu s’empêcher de mentir. De son enfance en Hongrie jusqu’aux strass hollywoodiens, se dessine l’itinéraire chaotique d’un comédien hors norme.
Le scénariste et cinéphile averti Philippe Thirault (Mille visages, Mandalay) et le dessinateur Marion Mousse (c’est un garçon qui se cache derrière ce pseudonyme féminin), créateur d’un Frankenstein chez Delcourt et d’un Fracasse chez Treize Étrange, ont décidé de sortir de son ombre maléfique le célèbre acteur américain, d’origine hongroise, Béla Blasko, alias Béla Lugosi. Le récit polyphonique et, dans l’ensemble, chronologique, part de l’enfance secouée par la mort du père, obligeant l’adolescent à gagner sa vie par lui-même, rapidement fasciné par le théâtre de rue et choisissant d’en faire son destin. Scènes du passé se mêlent à la situation d’énonciation, la lumière d’antan se fracasse sur l’obscurité de la fin de son existence, l’énergie du trentenaire, brûlant les planches, séduisant les femmes, désintégrée par un corps lassé de résister. Vienne, Berlin, l’Amérique. Ilona, Lilian, Hope et tant d’autres. Murnau, Boris Karloff, Tod Browning. Le Hongrois, l’Allemand et l’Américain, embelli d’un irrésistible accent. Roméo, Dracula et tous les monstres portés par la littérature et le cinéma balbutiant. Les univers poisseux et désenchantés de Poe, Shelley ou Stoker. Les femmes abandonnées, l’argent flambé et les contrats alimentaires. Tout cela fit le parcours de Béla Lugosi, pleine de contrastes, de heurts et d’erreurs, de flamboyances et de renoncements. Mais reste toujours le plus important, la scène ou l’écran, l’effet sur le public, la séduction, l’effroi ou l’envoûtement.
Seul un noir/blanc/gris pouvait permettre de toucher les films de la première moitié de 20è siècle, ainsi que le bestiaire incarné par Béla Lugosi, comme la tristesse des derniers jours. Le visage de l’acteur est tenu dans une constante pénombre, les faces sont tendues, presque crispées, rendant palpables des situations vécues ou des mélancolies ressenties intensément. La seule couleur qui paraît est le rouge du revers de la cape de Dracula, personnage auquel il a été réduit. L’existence est plus complexe et tourmentée que les vampires et loups garous qui hantent les pellicules et la psyché des spectateurs. Ce magnifique roman graphique le démontre dans toute sa noirceur éblouissante.