Le 18/12/2023 à 17:10:19
Cela fait des éons que l’on n’a pas eu le loisir d’apprécier le boss d’Image comics aux dessins sur un album complet et je dois avouer que les récentes résurrection d’un Frank Miller par exemple ne m’incitaient pas à une grande confiance… Le créateur de Darkness et des mythiques éditions Top Cow a un style très marqué, proche d’un Jim Lee avec une vraie qualité de crayonné bien que parfois daté. Très bavard, Silvestri nous relate en préface l’origine du projet dans un texte assez narcissique qui montre qu’il n’y a pas que son dessin qui est vissé aux années 90. Soyons beaux-joueurs, malgré des lacunes techniques qui éclatent autant que celles de grands ancêtres de la Franco-belge au regard des cadors actuels de l’industrie comics, l’album est visuellement très agréable, pour peu que l’on admette une plongée absolument nihiliste dans une Gotham proche des cimetières de Tim Burton. On ne pourra pas parler de faute de gout même si l’univers du créateur du Darnkess prend clairement le dessus sur celui du Chevalier Noir. Et c’est ce qui surprend le plus dans cet album qui semble finalement bien peu « batman style ». Ce n’est pas la première fois qu’un auteur majeur s’émancipe du carcan traditionnel du Bat-Univers, mais ce Deadly Duo laisse l’étrange gout en bouche d’un album de Marc Silvestri habillé de la cape de Batman. Ce n’est pas l’intrigue proprement dite qui est en cause, artifice en forme de buddy-movie tout droit issu de Die Hard 3 où un mystérieux maître chanteur donne des missions impossible au plus improbable des duo. Cela permet de beaux morceaux de bravoure et surtout au dessinateur de se permettre une très inhabituelle violence cadavérique dans l’univers de Batman. Le problème vient surtout de la fausse bonne idée que la décence m’interdira de qualifier d’aberrante. Un autre que le grand éditeur aurait-il été laissé aux commandes d’un projet qui va a l’encontre de tout ce qui fait l’essence de Batman? Rien n’est moins sur. Comme s’il savait qu’il était scénaristiquement impossible de rendre cohérente cette collaboration entre Batman et le Joker, Silvestri balance d’ailleurs son excuse en quelques cases plus que légères, histoire de rapidement lancer son train. Car une fois lancé, le rythme est rapide, plusieurs séquences sont très amusantes dès qu’il s’agit pour le Joker de balancer des punchlines absurdes qui fonctionnent très bien en décalage avec le sérieux impénétrable et ennuyeux du Dark Knight. Ainsi l’écriture de cet album Black Label est tout à fait correcte, de même qu’un dessin très organique voulu comme crayonné, primal, pour exprimer les racines noueuses d’une Gotham que l’on n’a jamais fini de découvrir. Mais sans doute trop porté sur un cadre de cinéma hollywoodien, l’auteur oublie qu’il est dans une BD avec ses contraintes et s’oublie progressivement dans des intrigues cachées un peu éculées jusqu’au grand-guignol final où l’univers souterrain justifie une pauvreté graphique triste à voir. Démarrant plutôt bien, ce Deadly Duo progresse entre quelques séquences fun vers une conclusion brouillonne qui s’étire en longueur et fait craindre une envie de Silvestri-verse qui prolongerait plus que de raison ce qui devait n’être qu’une belle proposition. Lire sur le blog: https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/12/16/batman-joker-deadly-duo/BDGest 2014 - Tous droits réservés