A
u Japon, en 1910, Hiroshi vit dans le passé, entre les soins à sa grand-mère malade et les visites quotidiennes à madame Yamada qui a perdu son jeune fils. Au Parador, en Amérique du Sud, à la même époque, Celestino écrit et dessine des bandes dessinées pour un journal, persuadé que c'est le seul métier qu'il puisse faire.
Le maître mot de ce tome un de Baobab est lenteur. Igort prend ses personnages à une date définie, et les regarde vivre, tout doucement, étudiant leurs différences et ce goût des histoires qui les rapproche. Comme dans une longue introduction, tous les éléments perturbateurs sont présents, on sent une réelle tension, mais pour l'instant rien n'éclate. Un peu pour dire "jusqu'ici, tout va bien". Aucun des deux personnages n'a de raison de changer de vie, mais il semble bien que c'est la vie qui va changer pour eux, sans leur demander leur avis.
On sent dans le travail d'Igort les influences du manga, mais aussi du franco-belge, comme une synthèse de l'épuration de l'un et de la précision de l'autre, pour créer un univers à la fois très réel et très onirique. Son trait cherche plus à accompagner l'histoire qu'à être réellement symbolique, mais cependant il ajoute énormément à cette sensation de pesanteur qui règne sur Baobab. Et pourtant, plutôt que d'en ressortir ennuyé et indifférent, on a envie de connaître la suite, de savoir ce qui va arriver à ces personnages auxquels, pourtant, on n'a pas eu de raison de s'attacher. Parce que leur histoire touche, interpelle, par son calme et son inéluctabilité.
Baobab est un album qui, malgré sa couverture très "underground", se révèle facile d'accès pour le lecteur lambda, ce qui paraît être l'une des caractéristiques de la collection Ignatz. Une autre en sera le prix et, last but not least, la qualité, tant éditoriale que dans la fabrication. Décidément, pour Vertige Graphic, ce partenariat avec Coconino Press ne fait que du bon !