T
out ce qui devait arriver est arrivé. Les changements climatiques ont bouleversé l’état du monde, les drogues sont omniprésentes, les voitures volent, l’intelligence artificielle est partout, les modifications corporelles sont devenues banales, les scientifiques trafiquent l’ADN comme ça leur plaît (et peuvent même fusionner la vie avec des objets), l’Orient domine l’économie mondiale et surtout, le crime foisonne. Dans ce futur, Butch travaille comme réparateur d’appareils de réfrigération. Le héros en a cependant marre de son existence monotone. Il opte pour une reconversion professionnelle : il braquera une banque à l’aide de Bang-Bang, une arme vivante de sa conception. Ce sera pour lui le début d’un temps nouveau.
Adam Egypt Mortimer a une imagination débridée : application pour partager ses rêves avec les copains, fusil semi-biologique qui tire des boules de feu et bavarde, ou encore restaurants où on sert de la viande humaine clonée. En fait, il n’y a que la nature des gens qui n’a pas changé. Ils sont toujours les mêmes : lâches, égocentriques et inconséquents. Bref, le ton se révèle être celui d'une grande tragédie, certes délirante, mais comme c’est souvent le cas en science-fiction, elle porte avant tout un regard sur notre époque, ses travers, ses folles ambitions, ses délires et l’incapacité de l’homme de mesurer les conséquences de ses actes. Il est malheureusement assez facile de se perdre dans cette histoire où le scénario souffre de n’avoir qu’un seul rythme : la vitesse maximale. Le lecteur apprécierait pourtant des pauses qui lui permettraient de digérer toute cette information.
Le dessin de Darick Robertson est à l’avenant. Chacune des images est hyperchargée et fourmille de détails rocambolesques. Les personnages sont tantôt réalistes tantôt caricaturaux, mais généralement ridicules avec leurs tenues vestimentaires et leurs tronches fréquemment ahuries. Comme c’est fréquent dans les comics, la construction s’avère créative ; les vignettes s’alignent et s’empilent dans un ordre qui se renouvelle sur chacune des planches, sans pour cela causer de problèmes de lecture. Des couleurs très sombres, des cadres noirs et une impression à marge perdue créent par ailleurs une atmosphère dense, voire oppressante, qui renforce le propos.
L’éditeur a complété l’ouvrage d’une série de notes. Le lecteur peut ainsi obtenir une explication sur les propriétés du desulfitobacterium hafniense présenté dans la deuxième case de la page 63… mais le livre n’étant pas paginé, il sera difficile de la retrouver.
Au final, beaucoup de bonnes idées mal canalisées ; le bédéphile a le tournis et déplore que l’anecdote ne bénéficie pas d’un fil conducteur plus solide.