Le 31/10/2025 à 10:00:15
Le duo de l’excellent polar lycanthropique Moonshine revient pour un magnifique one-shot nihiliste dont le titre français ne doit pas tromper sur une proximité avec le film de Jacques Audiard: la VO titre Blood brothers’ mother, bien plus explicite. La précision est utile car la construction de Brian Azzarello est particulièrement tortueuse, ce qui demandera une grande concentration pour suivre un récit dont le focus est tout le long incertain. Le choix de l’éditeur français de reprendre la police manuscrite de la VO pour certains textes narratifs ne facilite pas non plus, le lecteur devant jongler entre les bulles, les encadrés et les textes narratifs manuscrits. Cette précision étant faite, on entame l’album somptueux de bout en bout avec un bandit sortant de prison et rejoignant ses comparses affairés à torturer un groupe de colons. Aussi violent pour ses propres affaires que refusant la cruauté gratuite, il décide d’aller récupérer sa compagne qui a refait sa vie pendant les années de bagne. Apparaissent alors les trois jeunes garçons, fils d’Anna, adoptés par le révérend Blood, un home bon dont personne ne souhaite connaître le passé. Laissés seuls après le départ de leur mère avec les bandits, ils entament un voyage dans les terres arides, croisant alliés comme détrousseurs. Un monde pas fait pour des enfants. Alternant sèchement entre les séquences sur les frangins et celles suivant Anna et ses nouveaux comparses, le scénario pose le regard coutumier d’Azzarello sur un monde brutal, sans foi ni loi, celui de son pays dont on ne se lasse jamais d’ausculter la genèse ultraviolente. Les auteurs ne jugent pas leurs personnages. Ils décrivent du point de vue d’un enfant, neutre, qui cherche à comprendre le sens de l’existence, des relations humaines, se demandant ce qu’est le bien et le mal dans ce monde où toute morale est absente. La force du récit comme dans tout néo-western c’est cet enchaînement de péripéties souvent violentes, dont on ne peut tirer aucune conclusion. Le monde des hommes est comme la nature sauvage. Une mère qui abandonne ses enfants est-elle une mauvaise mère? Les choix sont-ils toujours utilitaires? Narré par l’ainé des frères Blood, le récit interroge sur la place de ses enfants qui ne connaissent pas leur père et recherchent leur mère. A qui sont-ils liés, peuvent-ils se choisir un destin et une filiation? Dans ce monde des possibles, c’est souvent la nécessité qui fait loi. Cette histoire complexe tant par sa forme que par ses interrogations tire son avantage des planches magnifiques de l’argentin Eduardo Risso, qui quitte les encrages profonds et la filiation de Frank Miller sur 100 bullets et Moonshine pour des aquarelles de toute beauté. Posant de superbes ambiances dans des décors naturels, il montre sa précision sur certains visages en gros plan dont le réalisme tranche avec son style habituel proche de la caricature. Il montre ainsi sa grande technique, alternant plans larges et séquences d’action où pointe souvent la barbarie crue. La ballade des frères blood fait partie de ces albums dont plusieurs lectures seront nécessaires pour en apprécier les subtilités et le sens voulu par les auteurs. Superbe néo-western dont on aurait aimé un déroulé plus fluide, il s’inscrit parfaitement dans la très intéressante ligne éditoriale Dstlry qui enchaîne les récits adultes exigeants débarrassés des vernis naïfs de la culture comics. Lire sur le blog: https://etagereimaginaire.wordpress.com/2025/10/29/la-ballade-des-freres-blood/BDGest 2014 - Tous droits réservés