Résumé: Ahmad est un jeune garçon palestinien qui grandit à Baddawi, un camp de réfugiés dans le nord du Liban. Baddawi est bondé et dynamique, il y règne toujours une certaine agitation. Et malgré tout, la vie d’Ahmad ressemble à celles de tous les enfants… Mais la guerre civile libanaise éclate. Ahmad est séparé de sa famille et parvenir à poursuivre sa scolarité devient sa priorité. Son obstination fait écho à la détermination du peuple palestinien à retrouver un jour sa patrie.
Leila Abdelrazaq explore l'enfance de son père, qui est aussi celle de milliers de refugiés, dans les années 1960 et 1970. Elle se met, avec une infinie tendresse, à la hauteur de ce petit garçon qui voit le monde s'effondrer autour de lui et tente d’avancer en traçant son propre chemin.
Son trait charbonneux – qui rappelle Marjane Satrapi, Zeina Abirached ou David B. – est nourri de son identité notamment par les rappels de broderie palestinienne.
A
hmed est né à Baddawi, un camp de réfugiés palestiniens au nord du Liban. Ses parents y sont installés depuis 1948, après qu'un raid israélien eut décimé la quasi-totalité des habitants de leur village natal, Safsaf. Comme ses neuf frères et sœurs, il va à l'école, joue aux billes et chasse les oiseaux. C'est simple, il vit sa vie comme les autres gamins en attendant de pouvoir retourner dans sa patrie d'origine. Non, pas si simple finalement...
L'auteure, Leila Abdelrazaq, est une Américaine d'ascendance palestienne et surtout, la fille d'Ahmed. Elle raconte dans ce recueil d'anecdotes la jeunesse de son père, de 1959 à 1980. En trois parties formées de courts chapitres, le quotidien du garçon et celui de son entourage se dévoile . Si la tension politique reste palpable et l'insécurité omniprésente, cela n'empêche en rien l'existence et ses modestes joies de suivre leurs cours. Le lecteur découvre la culture, les traditions et l'identité de ce peuple à travers les yeux d'Ahmed, futé et débrouillard. La narration à la première personne se met à sa hauteur. Pourtant, ce vécu correspond à celui de milliers d'autres exilés. La subjectivité affecte forcément le propos mais elle le teinte également d'émotion et d'humour, évitant le misérabilisme et la rancœur. Les événements réels intégrés dans le récit ponctuent la chronologie de repères et ancrent la petite histoire dans la grande.
Le thème de l'enfance s'incarne dans la forme de l'ouvrage : le format carré, la couverture épaisse cartonnée et bien sûr, le dessin naïf en noir et blanc. Les ennemis présentent des allures de croquemitaines ou de simples silhouettes sombres etanonymes, désincarnant quelque part la violence. Le découpage recèle beaucoup d'inventivité, composant certaines planches comme un jeu visuel et les pages sont décorées régulièrement de motifs géométriques traditionnels, accordant une agréable valeur esthétique.
Sous ses airs de livre pour enfants, ce premier roman graphique retrace le chemin d'Ahmed, de Handala* et de tant d'autres encore, individus sans pays, mais pas sans espoirs.
* : personnage crée par l'artiste Naji al-Ali, symbole de la résistance et représentant de l'enfant réfugié palestinien