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uel est le lien entre un homme qui vient de perdre sa sœur dans un accident de voiture, un soldat américain pris dans une embuscade en Irak et le titre de l'album rappelant incidemment la dénomination d'un dieu maléfique ? A priori aucun. Mais reprenons dans l'ordre... L'homme s'appelle Eric. Il découvre l'existence d'un neveu qui disparaît brusquement d'un orphelinat et décide de partir à sa recherche. Le soldat se prénomme Matt. Miraculé d'un attentat à Bagdad, il rentre aux Etats-Unis, traumatisé par la guerre, mais avec en poche un mystérieux objet qu'il a découvert par hasard au fin fond d'un musée abandonné. Deux histoires, deux destins qui vont se croiser avec l'entrée en scène d'un troisième personnage : le dieu Baal en personne.
Pour un premier album, 216 pages, voilà qui n'est pas commun. Pourtant, on aurait très bien pu imaginer Baal découpé en trois tomes, tant le récit de Ludovic Lambour semble s'y prêter : deux parties distinctes et une troisième réunissant les deux premières. Que nenni. L'éditeur a décidé de faire confiance au jeune homme et présente son histoire dans un seul et gros volume.
Dès lors, le risque existait d'un certain essoufflement dans le scénario, d'une intrigue qui s'étire, ou de quelques erreurs dans la construction d'une trame parfois complexe. Eh bien non. Tout se tient, il n'y a pas de véritables longueurs et le plaisir de lecture est bien présent. L'auteur a utilisé une symbolique, peut-être un peu naïve et manichéenne, mais qui amène parfaitement l'idée du triptyque. La perte d'un être cher vs la découverte d'un objet précieux ou l'affrontement, très allégorique, du bien incarné par Eric, ancien prêtre, et du mal, dont Baal est le vecteur. De plus, Ludovic Lambour a incorporé à ce récit, très dense, une multitude de thèmes, malheureusement survolés pour la plupart : les blessures morales liées à la guerre, le rôle controversé des forces armées américaines en Irak, la pédophilie, les sectes... Tout se mélange pour donner un résultat, certes homogène, mais qui manque aussi un peu de profondeur. De la même façon, il aurait été bienvenu de donner un peu plus de volume à certains personnages, de les enrichir d'un passé, de façon à pouvoir expliquer leurs agissements dans le présent mais aussi à provoquer chez le lecteur une certaine empathie.
Côté dessin, l'auteur utilise un trait réaliste et noir qui colle parfaitement à l'ambiance lourde de l'histoire. Un style qui durcit, parfois exagérément, les expressions du visage des personnages adultes, souvent torturés par les événements, mais qui vieillit aussi de façon artificielle les enfants, qui font souvent bien plus que leur âge. De même, les décors sont plus ou moins fouillés suivant l'attention que le lecteur doit porter à tel ou tel élément : complètement dépouillés lors du face à face entre Eric et Elias, beaucoup plus détaillés à Bagdad, par exemple, quand il s'agit de donner un aperçu du quotidien dans une ville rongée par les combats.
De Baal, il faudra tout d'abord retenir un récit qui, malgré quelques défauts, procure un très agréable moment de lecture. Mais surtout, un auteur, déjà sélectionné à Angoulême, en 2005 et 2006, pour le concours "jeunes talents", et qui signe dans la collection KSTR, nouvellement relookée, un premier album qui laisse entrevoir de belles promesses.
Les avis
Erik67
Le 25/11/2020 à 15:47:38
Après un début plutôt intéressant, l'intrigue se noie avec le conflit en Irak. Fort heureusement, j'ai à nouveau capté vers la fin même si celle-ci s'est révélée d'un grand guignolesque avec cette histoire de secte dédiée au Dieu Baal. Il fallait bien justifier le titre de la couverture.
L'auteur a certainement du talent mais il ne sait pas encore mettre en oeuvre toutes ces idées pour aboutir à une fluidité du récit qui serait impeccable pour un lecteur. Je ferai alors preuve d'une certaine indulgence dans ma notation s'agissant d'un débutant.
GUIJ
Le 10/09/2009 à 12:15:54
Le debut de l'histoire est assez mysterieuse, mais la montée en puissance est assez interressante, avec un final assez haletant.
Le trait est assez noir mais le style est original.
Je conseille de la lire en 2 ou 3 fois pour faire travailler son esprit, c'est l'un des mérites de cette oeuvre.