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algré la canicule, c’est un autre phénomène qui fait monter la température à Fetid City. Les garçons se tartinent les cheveux de graisse, les filles sont en feu et Superfish, le DJ mi-homme mi-poisson de la radio locale, fait mordre tout le monde à l’hameçon. L’heure de la révolution musicale se rapproche et toute la ville s’apprête à accueillir deux sex-symbols du rock’n’roll au Blackstone Coliseum : Rudy Holly, l’érotomane chantant, et Litchi Balenz, l’auteur du tube La Pampa ! La fièvre monte, les petites culottes volent, les grands-mères se droguent et même le défunt Elmore Edison revient du paradis des distillateurs pour participer à cette grande fête en compagnie de sa squaw centenaire. Dans le Nowhere, les décennies se suivent et ne se ressemblent pas !
Au pays des libertés Jean-Luc Cornette et Jean-Michel Constant s’en donnent à cœur joie. A travers les différentes générations des Edison, les deux auteurs poursuivent leur chronique déjantée des Etats-Unis. Après la quête initiatique d’Elmore au milieu des grands espaces américains et la prohibition des années 20, ce sont maintenant les années 50 et ses rockers qui vont réveiller la libido de ce continent qui se découvre. Sexe, drogue et rock‘n’roll ont remplacé mafia, corruption et danseuses de charme dans cette ville totalement hétéroclite.
L’arbre généalogique en page de garde permet de se remémorer le chemin parcouru par les membres de cette famille aux talents culinaires aussi lumineux que leur nom de famille. C’est un Nowhere remanié que nous livre Jean-Luc Cornette afin de parcourir cette époque mythique des USA que sont les fifties. Les générations se sont succédées, l’alcool de saumon a fait place à la confiture de méduses et Sunny Day semble être la seule constante dans ce bled perdu qui a évolué vers une ville grouillante, peuplée d’immigrants islandais, italiens et belges et de bien d’autres protagonistes hauts en couleur. Au milieu de ces personnages bien typés, Cornette continue d’intégrer des animaux au potentiel burlesque, comme le spectre de la mère de Bambi ou ce raton laveur parlant, propageant des phéromones et obsédé de la chose.
L’humour décalé continue d’être le fil rouge de cette revisite de l’histoire des Etats-Unis. Les dialogues sont parfois ‘salés’ et souvent drôles, les références (à Buddy Holly et à La Bamba de Ritchie Vallens) sont amusantes et le tout parvient à préserver ce côté troisième degré plein de finesse et accessible à tous qui est cher à cette collection du Lombard. Le trait clair et légèrement burlesque de Jean-Michel Constant continue d’accompagner et de construire à merveille cet univers attachant.
Issue de la fantaisie débordante des deux auteurs, cette saga familiale à travers les époques réserve probablement encore bien des surprises, ne serait-ce qu’au niveau gastronomique.