Info édition : DL 4e trimestre 2011. Couverture avec rabats. Préface et postface de Florence, Soeur de David B
Résumé: Le Haut Mal c’est le nom qu’on donnait à l’épilepsie au Moyen Âge.
L’Ascension du Haut Mal c’est l’histoire d’une famille au milieu des années soixante dont le fils aîné, Jean-Christophe, est atteint par cette maladie à l’âge de sept ans. C’est le regard que porte son petit frère, Fafou, qui devient David, sur le bouleversement que ses crises entraînent dans la famille, sur la façon dont les adultes, parents, médecins, passants, charlatans, gourous, réagissent et tentent de guérir Jean-Christophe.
Ce sont les souvenirs des ancêtres de la famille. C’est tout l’imaginaire que Fafou projette sur le monde et les événements qui l’entourent et qui participent à la construction du dessinateur qu’il est devenu.
C'est une oeuvre sur un sujet qui n'est pas du tout facile à traiter en bande dessinée et ceci mérite beaucoup d'indulgence. En même temps, ce n'est pas la première oeuvre qui décrit la lutte des parents contre la maladie de leur fils.
Au-delà de l'entreprise tout à fait louable de l'auteur, je n'ai pas réussi à m'accrocher dans ce foisonnement débordant d'idées diverses. On mélange toutes les guerres. On raconte la généalogie de la famille. On penche pour les médecines non traditionnelles pour verser finalement dans des sectes dirigées par des gourous qui prétendent au miracle.
Je crois que ce n'est pas l'apanage de tous les parents qui essayent de sauver leur enfant d'une maladie incurable. Il existe d'autres voies et la plus raisonnable est bien celle de la science qui peut également faire des miracles pourvu qu'on garde confiance en la médecine. Il y a des décisions qui ne sont jamais faciles à prendre mais une fois le risque pris, on peut reculer l'inévitable. Je n'adhère absolument pas à la façon dont les parents de ce malheureux garçon s'y sont pris. Je respecte cependant le choix tout à fait honnête de l'auteur de conter cet épuisement dans la quête d'une guérison. J'en arrive à le comprendre parfaitement.
De toute façon d'un point de vue objectif, c'est une oeuvre autobiographique parfaitement réussie dans son potentiel narratif. Les dessins en noir et blanc parviennent à créer ici ou là des ambiances oniriques assez angoissantes.
zemartinus
Le 04/04/2012 à 23:56:48
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Peu après Noël, assis sur le trône, j'entame la lecture d’un imposant pavé reçu en cadeau pour les fêtes, les yeux pétillant de joie. 2-3 jours après la nouvelle année, 6 heures du matin, allongé dans un canapé, je ferme la dernière page, les yeux humides, avec cette sensation d'avoir lu quelque chose de grand. Epuisé je pars me coucher, repensant encore une bonne heure au contenu du livre, puis m'endort la tête pleine d'images. 4 heures plus tard je me réveille, c'est décidé : il faut que je chronique cet album, que je partage mon enthousiasme, que je couche sur papier mon ressenti. L'Ascension du haut mal, donc, qui reste à ce jour l’une des pierres angulaires de l’autobiographie dessinée francophone, tant a été poussé par l’auteur le travail sur son propre passé, à une époque où l’autobiographie était encore très peu présente dans la bande dessinée hexagonale (qui sur ce point est très en retard par rapport à ses collègues américaine et japonaise). Une œuvre au succès critique retentissant qui inspirera notamment le Persepolis de Marjane Satrapi. Mais au-delà d’une simple autobiographie, de quoi s’agit-il précisément ?
Il s’agit d’un auteur qui replonge dans ses années de jeunesse et nous raconte son histoire, articulée autour de la maladie de son grand frère Jean-Christophe, épileptique grave, dont la pathologie sert véritablement de fil conducteur à l’ensemble de l’œuvre tant on sent quel poids elle a pesé sur la vie de David B, qui semble s’être entièrement construit autour et par rapport à elle. Mais ce livre va bien plus loin que cette première approche. Là où beaucoup d’auteurs mettent leur vie en images en restant à la surface des choses, faisant se succéder tranches de vie et petites anecdotes du quotidien sans réelle réflexion sur soit et son vécu, David B joue la carte d’une introspection profonde, d’une auto-analyse intelligente et fouillée, d’une véritable pensée d’ensemble sur sa vie. Ainsi cette bande dessinée aborde un nombre très large de sujets, se faisant quasi tentaculaire par moments, parlant non seulement de l’auteur, de son frère et de sa famille, mais également de ses passions, d’Histoire, de littérature, du passé de ses ancêtres, de fables, de l’univers de la médecine alternative (macrobiotique, médecine chinoise, mysticisme, magnétisme, rebouteux, spiritisme, médiums, ésotérisme, vaudou... certains passages, peut-être trop descriptifs, peuvent d’ailleurs parfois devenir un peu rébarbatifs). L’auteur ne s’interdit aucune circonvolution mais ne nous perd pourtant jamais et arrive à nous passionner avec tout ce dont il parle, évitant de s'attarder trop longtemps sur un sujet, sautant de l'un à l'autre avec l'habileté d'un trapéziste. Ces éléments très variés s’enchevêtrent pêle-mêle, sans limite aucune, et nous font voyager dans la petite enfance de l’auteur, son adolescence, pour enfin déboucher sur sa vie d’adulte. On suit l’évolution de ses passions, les changements de sa personnalité, les transformations de la vie familiale, et surtout l’aggravation de l’état de son frère, lente plongée en enfer qui entraîne toute la famille dans son sillon, ascension vertigineuse vers les sommets du Haut Mal.
La période qui est au centre du livre, c’est avant tout l’enfance et l’adolescence de l’auteur, période de construction et de déconstruction continues, car au fond c’est bien de cela qu’il s’agit ici : d’une autopsie psychanalytique. Avec un recul impressionnant sur les évènements et sur soi-même, fruit d’un long processus d’introspection et de réflexion, David B nous offre une plongée abyssale dans son passé, ses fantasmes, ses angoisses, sa personne. En ressort une œuvre torturée, très noire, dérangeante par moments, mais dont ni la poésie ni l'onirisme ne sont exclus tant l'auteur est fasciné et attiré par l'univers du rêve et de l'imaginaire, alliant un sens du souvenir assez impressionnant à des métaphores graphiques et des allégories dessinées dont la force d'évocation se fait un peu plus puissante à chaque page. David B part dans son imaginaire pour mieux nous montrer sa réalité, sans jamais perdre le lecteur. Il s’en donne à cœur-joie et alterne ainsi entre des séquences aux découpages simples et des planches aux compositions graphiques très riches, son dessin minimaliste possédant cette sobriété, cette pudeur, cette humilité que seuls quelques auteurs ont su apprivoiser, soutenue par une remarquable maîtrise des ombres et des aplats de noirs, contrastes harmonieux entre bancheur éclatante et noirceur parfaite. Résultat élégant, esthétique, unique et unie. On se laisse aller de cases en cases, portés par une voix-off à la syntaxe simple, presque enfantine, toujours au présent, donnant ainsi aux mots, lorsqu’associés aux images, une force imparable.
Car cette BD est un tout. Un tout dont chaque élément est indissociable de tous les autres. Un tout qui nous porte et porte en lui toute l’essence d’un être et d’une histoire. L’auteur nous pousse indirectement à nous pencher sur nous même, à questionner notre passé, regarder ce qui nous a construit avec recul. Pour ainsi dire, L’Ascension du Haut-Mal ne nous concerne pas, mais nous parle tellement... Merci David. Merci Pierre-François.
«Un ricaneur ? si vous saviez, monsieur, j’ai le sourire des têtes de mort.»