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ne terre mythique perdue quelque part au fin fond de l'Arctique, une carte secrète et une poignée de fiers à bras qui n'ont pas envie de partager : l'aventure, la grande, celle qui porte un fedora sur la tête et a un fouet accroché à la ceinture ! Far Arden renoue avec un genre un peu tombé en désuétude depuis que les morts-vivants font la loi dans le paysage éditorial. Accrochez-vous, Army Shanks et ses acolytes ne font pas dans la dentelle, la bière coule à flot, les gnons volent bas et les ours blancs ont faim !
Originellement publié sur le net (l'album est toujours consultable en vo ici), Far Arden est un long récit faussement parodique à la distribution pléthorique. Le rythme est endiablé, les situations parfois téléphonées (on se croise un peu trop facilement « par hasard » dans cette immensité glaciale) et les personnages plus grands que nature. Kevin Cannon fait dans le feuilleton à suivre, faisant avancer son histoire de rebondissements en rebondissements, cédant parfois la vraisemblance au pur plaisir de raconter. Si cet enthousiasme est contagieux au premier abord, il devient un peu fatiguant sur la longueur. Cette joyeuse enfilade de péripéties, héritée de la prépublication par épisodes, est à déguster en prenant son temps pour éviter l’indigestion.
Le Grand Nord présenté est largement imaginaire. L'auteur a néanmoins fait reposer sa saga sur un fond historique et géographique des plus solides. En effet, l'existence d'une zone d'eau libre au pôle était une hypothèse très courue au XIXe siècle. Cette chimère coûta d'ailleurs la vie à de nombreux explorateurs. Le scénariste a également su enrichir sa narration de nombreuses références culturelles (le cirque des enfants perdus de Pinocchio) ou à l'actualité (le réchauffement climatique). Ce savant mélange de fantaisie et de faits avérés ajoute pas mal de piquant à la lecture.
Marque d'un premier travail, le dessin ne cesse d'évoluer au fil des pages. Passablement frustre au début, le trait ne cesse de s'affiner chapitre après chapitre. Si le style n'est pas encore totalement posé, la mise en page est en revanche très efficace. Les actions s'enchaînent d'une manière très fluide et très lisible. Cannon se permet même de petites inventions graphiques étonnantes (des genres d'onomatopées « manuscrites ») mais tout à fait réussies.
Album rafraîchissant à plus d'un titre, Far Arden est à découvrir.