Le 11/09/2016 à 11:32:21
Après un « Prototype » consacré à Adam et Ève, Ralf König continue sa réécriture de la bible avec « Archétype », une version nouvelle de l’épisode de l’Arche de Noé. En délaissant (un peu) les thématiques gays, l’auteur allemand prend des risques. Surtout que les adaptations humoristiques de la Bible sont nombreuses et il n’est pas évident de faire du neuf. Le tout pèse 140 pages et est publié chez Glénat. Le principe du livre est le suivant : et si Noé n’avait pas eu 500 ans, mais 50 ans. Et s’il n’avait pas eu une belle barbe blanche mais une barbe noire frisée ? Et s’il avait obligé sa femme à porter le voile ? Ralf König part de l’idée que Noé n’était peut-être pas pieux au sens biblique, mais tirait plutôt du côté des fous de dieu, façon taliban. L’idée n’est pas mauvaise en soit, mais l’auteur fait de Noé un islamiste, ce qui est profondément dérangeant. Un fou de dieu est forcément dans l’Islam ? Si encore l’histoire avait été retranscrite dans un monde moderne, pourquoi pas… Mais là ça n’a simplement aucun sens ! Hélas, ce n’est pas le seul écueil qui vient plomber le livre. Le bouquin commence par un prologue plutôt sympathique où Dieu est un dessinateur qui tente de réaliser une illustration (qui sera le monde). Mais une fois terminé, voilà qu’une préface vient introduire (une nouvelle fois) le livre en rappelant la Génèse, Abel et Caïn, etc. Bref, on rentre dans le vif du sujet bien tard. Et comme l’auteur s’est amusé à écrire les textes façon poésie, la lourdeur de l’ensemble nous fait vite décrocher (même si la traduction force le respect). Une fois Noé enfin en jeu, l’histoire se développe sans vraiment nous intéresser. Ralf König ne va pas dans le vif du sujet et se contente de quelques piques un peu lointaines. Ainsi, Noé le vertueux va à Sodome pour « voir le péché ». Sa femme lui reproche de faire exprès de n’aller que dans les quartiers chauds pour se rincer l’œil… Et c’est tout. On a connu l’auteur bien plus subversif ! Du coup, le livre est très bavard et sans grand intérêt. Heureusement, l’auteur possède son talent naturel pour envoyer quelques répliques qui font mouche (Lucifer reste un personnage réussi lorsqu’il parle avec Dieu), mais l’ensemble est desservi par ses longueurs. Au niveau du dessin, le trait de König est toujours aussi plaisant, mais l’ensemble est inégal. Certaines planches respirent le vide, au point que c’en est gênant. Et juste après, les planches sont pleine de couleurs, avec des décors omniprésents… En souhaitant produire un livre à thèse, Ralf König s’enfonce dans des discours verbeux où l’humour se révèle bien moins percutant. Et les quelques choix douteux d’écriture (la préface inutile, le Noé taliban…) gênent la lecture. Un peu de concision aurait été bénéfique pour le coup… Et si « Prototype » était savoureux, « Archétype » est difficile à digérer.BDGest 2014 - Tous droits réservés