Résumé: De nos jours, dans une ville moyenne qui pourrait être n’importe où. Un soir, à l’heure de la fermeture des magasins, un boulanger tout ce qu’il y a de plus ordinaire est sauvagement assassiné. La caisse n’est pas même fracturée.
En suivant les pas de l’assassin de retour à son domicile –lui aussi un homme d’une apparence des plus ordinaires–, on découvrira que le mobile du crime est lié à une femme mystérieuse qui vit dans les sous-sols de la maison. Est-elle l’instigatrice de cette exécution ? Ou quelqu’un qu’il faut absolument protéger du monde extérieur ?
En enquêtant sur l’affaire, l’inspecteur Wimms, un policier mutique et replié sur lui-même, parvient à trouver la maison de l’assassin. Et fait la connaissance de l’occupante du sous-sol : Appoline, qui fut autrefois, alors qu’elle avait 8 ans, une enfant kidnappée. Dix ans se sont écoulés. On n’a jamais cessé de la rechercher, en vain. Et Appoline, devenue une jeune femme brillante, manipulatrice et fascinante, entreprend de raconter au flic envoûté sa terrible et très extraordinaire histoire…
Le récit s’ouvre sur une scène choc, l’assassinat au marteau d’un boulanger. Une fois rentré chez lui, le meurtrier, un monsieur tout le monde en apparence, se révèle en fait être un maniaque d’un tout autre style. Enfermée dans son sous-sol, une jeune femme l’attend, elle est là depuis huit ans…
S’inspirant de plusieurs faits divers sordides récents, Jean-David Morvan a concocté un album dur, violent et pour le moins dérangeant. Le scénario, qui loin de se résumer à une classique enquête policière, se transforme vite en un affrontement psychologique sans merci. À quatre, puis à trois pour se finir en duo, la discussion est tendue et, par moment, sanglante. Bien malin celui qui saura dire, avant la dernière page, qui manipule l’autre. Ce roman noir fait évidemment penser aux ouvrages de Jean-Patrick Manchette qui, dans les années soixante-dix, fut le fer de lance du genre. Il s’agissait d’histoires baignées dans leur époque qui montraient, sans concessions, les dérives de la société. Sur ce point, l’auteur de Sillage réussit un sans faute, il triture avec une habilité effrayante ces évènements horribles que les médias annoncent régulièrement, pour les oublier le lendemain. La construction des personnages est particulièrement bien conçue. À partir d’archétypes classiques (le policier, le malfaisant et la victime), le scénariste laisse suffisamment de zones d’ombre pour se garder la possibilité d’imaginer toutes les réactions possibles. Ce procédé judicieux permet de maintenir un suspens - presque intolérable - tout au long du récit.
TBC (Fables de Bosnie) a choisi d’illustrer cette histoire d’une façon très classique. Malheureusement, face à la nature des propos ce choix se révèle un peu limité. À plusieurs reprises, le dessinateur essaye maladroitement de modifier son trait afin de mieux coller au récit. Le dessin devient alors caricatural et presque grossier. L’effet, nettement trop forcé, se fait remarquer au détriment de la continuité graphique. C’est dommage, car il a très bien su montrer les nombreuses scènes se passant dans la chambre d’Appoline. En jouant sur les points de vue, il réussit à faire sentir d’une manière convaincante le confinement de l’héroïne. Aux couleurs, Marie Galopin réalise un très beau travail : son traitement, simple en apparence, donne à cet album une atmosphère très réaliste.
Il est rare de voir un tel récit publié dans une collection grand-publique chez un grand éditeur. De par son genre très violent, Appoline est un album à réserver à des lecteurs adultes.
Les avis
Erik67
Le 05/09/2020 à 13:07:34
J'ai trouvé cette histoire d'enlèvement de fillette très intéressante car elle semble sortir des sentiers battus dans son développement. Le thème exploité est celui de la manipulation.
Qui est la victime ? Qui est l'agresseur ? Ce n'est pas parfois aussi clair que l'on pense. Ce récit sur un scénario de Morvan apporte en tout cas des réponses troublantes. Est-ce à la fois horrible et peu convaincant ? Pourtant, l'actualité récente sur ce genre de kidnapping semblerait prouver le contraire.
La femme fatale sordide et immorale va encore faire des siennes. Jusqu'où les auteurs iront-ils à l'avenir ? Ce genre de nouvelles aurait été impensable il y a encore 10 ans. L'époque a bien changé. Les auteurs ont su s'adapter à l'air du temps. Reste la question de savoir où nous allons ? Et une autre question accessoirement : la pauvre petite princesse Appoline parviendra-t-elle à s'échapper ?
Ce thriller sombre et glauque nous emmène dans les voies du psychologiquement incorrect. Cela sera avec délice pour certains lecteurs et avec mépris pour d'autres. Evidemment à ne pas mettre en toutes les mains. L'efficacité est de mise notamment dans la mise en scène et des personnages très bien campés.
Tout ceci explique ma notation un peu vers le haut (3.5 étoiles). Bref, un bon polar psychologique !
Cellophane
Le 22/03/2019 à 17:13:59
Album étonnant mais plein de qualités…
Le dessin est assez simpliste, gentillet, en opposition avec ce qu’on lit. Peut-être que quelque chose de plus réaliste aurait donné quelque chose de plus immergeant, envoûtant…
Comme les couleurs, assez simple, basiques, qui donne un peu de légèreté, finalement, de distance avec le propos.
Parce que celui-ci est ce qu’il y a de plus étonnant.
Non pas la situation de base (une enfant enlevée) mais le traitement de cette Appoline… Dérangeant, qu’on n’a pas l’habitude de voir dans ce monde politiquement correct, mais pourtant, super bien traité, jusqu’au bout.
C’est ça qui donne tout son intérêt au récit, sa façon d’aller au bout de l’idée de base sans vouloir jouer au bien-pensant.
Du coup, ce côté classique, dans le policier, le kidnappeur, etc. passe très bien.
Les cadrages sont variés et sympas.
Peut-être que plus réaliste aurait été étouffant, finalement…