Résumé: Dans les rues de La Havane, entre 1959 et 2011, les vies se croisent et se recroisent. Aujourd'hui celle d'Amanda, jeune ballerine en devenir. Hier, celle de Manuela, mère célibataire, qui n'aura fait qu'effleurer son rêve de danseuse classique et enfin celle d'Alicia Alonso, dont on suit l'ascension vers la gloire jusqu'à devenir prima ballerina assoluta au parcours exceptionnel. Dans un Cuba où règnent la débrouille et l'entraide, tout autant que la dénonciation et le marché noir, l'histoire de la démocratisation de la danse classique rime singulièrement avec l'avènement du régime révolutionnaire.
Pour Amanda, la compétition est rude pour être parmi les meilleures tandis que pour Alicia, les choix ne sont plus seulement artistiques mais politiques, lorsqu'on voudra faire d'elle un instrument de l' idéologie castriste.
L
a Havane est le théâtre, à différentes époques, de destins liés entre eux de plusieurs protagonistes ayant pour passion commune la danse. Une en particulière s'en détache, Alicia Alonso (1920-2019). Sans s'éloigner véritablement de son île natale, la Prima ballerina Assoluta, fervente partisane de la révolution cubaine développera autant que possible l'art de la danse en créant une école à part dans le monde du ballet possédant un esthétisme reconnu dans le microcosme du 6ème art. Cette histoire, bien que romancée est la sienne ...
Après Idiss et la condition des immigrés juifs de l'Empire Russe venus à Paris au début du XXème siècle paru en mars, l'éditeur Rue de Sèvres présente une autre bande dessinée de qualité visitant les coulisses de l’école de ballet de la Havane et l'histoire récente de Cuba.
Eileen Hofer, cinéaste et journaliste de métier, signe en 2015 le long métrage documentaire « Horizontes » consacré à Alicia Alonso , figure des ballets cubains et l’une des plus grandes étoiles de la danse classique. En reprenant les grands axes du film, l'autrice fait une entrée remarquée dans le paysage BD.
Elle choisit de peindre la vie de trois femmes ; Manuela, une mère célibataire qui rêvait d'être danseuse classique mais s’illustre dans un cabaret tout en tentant d’élever seule son fils ; Amanda, une jeune ballerine talentueuse à qui l'avenir tant les bras et l'étoile Alicia Alonso qui, malgré sa cécité, a su devenir à force de travail et de talent, une gloire du régime communiste.
Côté dessin, Mayalen Goust (Kamarades, Lisa et Mohamed) propose un travail graphique tout en finesse, poétique, teinté d'une mise en couleurs lumineuse et pleine de douceur. Ce choix délibéré de coloration pastel et vaporeux donne une impression de bulle hors du temps durant la révolution cubaine et la mise en place du régime castriste.
La grâce et l'expressivité des danseuses sont les points forts de l'album, la dessinatrice semble s'être passionnée pour cet univers artistique exigeant. Les décors ne sont pas oubliés pour autant, c'est à une véritable plongée dans cet état insulaire des Caraïbes en équilibre sur deux timelines différentes que le bédéphile est convié.
Alicia Prima Ballerina Assoluta, s'adresse certes à un lectorat qui possède une certaine fibre pour l'art de la danse mais les adeptes des romans graphiques mêlant fiction et réalité y trouveront aussi leur compte. Pourquoi ne pas prolonger cette lecture par la découverte dépaysante de cette "tierra calentiente" durant cette période estivale puis à la rentrée rechausser vos chaussons ... de danse !
Conseil de lecture complémentaire : Castro de Reinhard Kleist.
La preview
Les avis
clemlal5
Le 13/04/2023 à 10:04:29
C'est effectivement le récit de l'entremêlement de l'art et du pouvoir mais c'est aussi l'enchevêtrement de récits de vie dans un pays autoritaire. Le graphisme est très agréable, très doux et correspond bien à l'ambiance que l'on ressent à Cuba. Pour ceux qui ont déjà eu la chance de voyager à Cuba, ça rappelle des souvenirs car le Cuba d'il y a quelques décennies n'a pas tellement changé. Bref, c'est un livre agréable, une belle découverte
Erik67
Le 18/04/2022 à 15:43:03
Je trouve dommage que le sport ou l'art comme la danse classique puisse être utilisé par des pouvoirs politiques non démocratiques comme une base pour leur propagande nauséabondes.
Ce fut le cas de Cuba et de ses dictateurs les frères Castro qui se servirent d'Alicia Alonso, la grande danseuses étoile, qui ouvra une école de ballet à la Havane après la révolution.
On peut dire que celle-ci n'approuvait pas forcément toutes les idées de ce régime mais elle voulait survivre à tout prix et faire évoluer la danse classique vers la voie de la démocratisation. C'est assez subtile au cours de la lecture pour le percevoir. Il faudra que le lecteur soit particulièrement attentif.
Le graphisme est plutôt soigné avec également ses tons pastels qui s'allient assez bien avec la grâce du mouvement de la danse classique.
Il faut savoir que l'histoire va s'étendre de 1931 à nos jours. Il y aura plusieurs générations de danseuses étoiles qui vont se croiser en éprouvant de la passion pour cet art qu'avait inspirée Alicia Alonso et ce malgré sa cécité survenue à l'âge de 19 ans. Elle se repérait sur scène grâce aux lumières.
C'est un portrait de femme à découvrir. Il y a le talent qui est incontestable. Et puis, il y a la politique, le pouvoir et même la religion. C'est le thème du rapport des artistes avec l’état.
On retiendra surtout qu'elle a incontestablement contribué au développement et à la sauvegarde de la danse classique.