Résumé: La famille Kuonji possède l'un des plus puissants groupes industriels au monde. Lors de la traditionnelle tea party mensuelle, qui rassemble ses 9 enfants, la patronne du groupe, Olga, annonce solennellement qu'il est temps pour celui qui héritera du groupe de se distinguer de ses frères et sœurs : « À partir de maintenant, j'aimerais que vous vous entretuiez ».
En plein chaos, alors qu'elle est en train de perdre la raison, la quatrième fille, Stella, se transforme en une magnifique jeune fille blonde vêtue d'une robe bleue et d'un tablier blanc... !
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lga Kuonji dirige sa famille nombreuse avec la même fermeté et le même cynisme que l'empire industriel à la tête duquel elle siège. Aussi, lorsque, à l'occasion du dix-neuvième anniversaire de leur aîné, Zéno, elle explique à ses neuf enfants le mode opératoire retenu pour désigner son héritier, ils sont peu nombreux à être étonnés. Les autres prennent immédiatement les armes car la règle est simple : ils ont un an pour s’entre-tuer, le survivant deviendra le chef de la lignée et pourra accéder à tous ses secrets. D'ici là, aucun d'entre eux - ni de leur invité - n'est autorisé à quitter la propriété ! Chaque mois, à l'occasion de la rituelle Mad Party Tea, un bilan sera fait. À vos marques, prêts, assassinez !
Trois arbitres, une demeure immense et mystérieuse, quatre sœurs et cinq frères (chacun ayant convié un ami à boire le thé), une drogue qui empêche le vieillissement, des armes, du sang, voilà pour le décor... On peut dire que Kaori Yuki a décidé de se faire plaisir mais si le pitch semble clair - un bon vieux survival - la réalisation l'est un peu moins. Plongé d'emblée dans une scène confuse, le lecteur aura quelques difficultés à comprendre de quoi il retourne avant de découvrir la jeune Stella, quittant, avec un aplomb certain, le lycée pour se rendre à cette fameuse tea party d'anniversaire. Une fois cette exposition achevée, l'autrice retrouve une structure plus classique. Enfin, plus classique, façon de parler : Alice au pays des merveilles, le chaperon rouge, Jack l'éventreur... chaque enfant a l'air de posséder un double que l'effroyable jeu imaginé par leurs parents révèle au moment de s'affronter. Sorte de Battle Royal familial, cette lutte apporte des informations au gré des souvenirs des personnages, étoffe leur psychologie ou dévoile leurs fêlures, rendant les protagonistes et leurs caractères moins stéréotypés qu'à première vue. La double personnalité de son héroïne, la bataille intérieure qu'elle mène ainsi que l'ambiguïté de sa relation avec Zéno servent de ressorts à l'intrigue. Parsemé de références plus ou moins subtiles à l'œuvre de Lewis Caroll, le récit, mélange de rêve et de réalité, apparaît brouillon et oscille entre boucherie décomplexée et conte cruel qui laisse dubitatif quant à la finalité de cette histoire.
Si le fond n'est guère emballant, la forme, elle, est nettement plus aboutie. Le trait de la mangaka est précis et ses cases détaillées. La dynamique très travaillée, particulièrement lors des scènes de combat joliment restituées, permet de s'immerger pleinement dans ces affrontements. Ludwig Revolution et The Royal Doll Orchestra notamment, avaient déjà démontré son goût pour les ambiances gothiques, cette nouvelle série ne fait que renforcer ce sentiment. L'auteur aime le baroque et les décors comme les tenues ou les coiffures sont un parfait prétexte pour livrer des planches qui en regorgent.
Petit trip sanguinolent, Alice in murderland tarde à livrer le fond de son propos. Le troisième tome, annoncé pour la toute fin novembre, devra se recentrer sur un fil conducteur fort et éclaircir la trame pour permettre au lecteur d'adhérer à l'aventure.
Les avis
kobaia
Le 23/08/2016 à 00:05:14
Yuki Kaori est une autrice aux inspirations multiples, tant que la folie et le gore sont présents. Après la guerre chez les anges, les fêlures de l'Angleterre victorienne et les contes de fées revisités, la voilà qui s'inspire d'Alice au pays des merveilles. Version gore. Version cinématographique. Parce que Yuki Kaori ne s'inspire que de films, jamais de livres (elle dit ne pas lire, mais regarder 2 à 3 films par jour).
Que vaut son Alice in Murderland ? Pour le moment, pas grand chose. Le style de Yuki Kaori (assez daté, mais ça ne me gêne pas, j'adore), avec ses personnages toujours léchés, aux vêtements soignés, aux poses étudiées, est là. On reconnaît la patte de la mangaka. Et on la reconnaît aussi dans le scénario. Psychés violentes et détruites, histoire piochant des idées un peu partout, et les mélangeant aléatoirement (ici, on est entre Alice in Wonderland et Battle Royal), sentiment incestueux, on retrouve tout ce qui a fait le succès de Yuki Kaori. Et on retrouve aussi son gros défaut depuis quelques séries : ne pas être capable de poser les enjeux de son histoire rapidement et clairement. A travailler avec un système de flashback, à ne pas présenter ses personnages, à partir dans tous les sens, elle rend son histoire confuse.
Si on n'est pas fan de la reine du shojo gothique, cette série est assurément dispensable. Si on apprécie son travail, on se doute que ce n'est que dans les tomes suivants que l'auteur fournira les clés permettant de comprendre Alice, et d'accrocher à son univers barré, gothique et meurtrier.