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acker en probation, Kôji Shima est à la recherche d’un emploi mais ne trouve rien, faute d’expérience et de diplôme. Après un nouvel entretien sans succès, il se dirige vers le quartier d’Akihabara, refuge des otakus en tous genres. Là, dans un cyber-café, il parvient à stopper un hacking dont il avait conçu le script quatre ans auparavant sous le pseudonyme de « Page ». Fortement impressionnée, Akira, une jolie « maid idol », le présente à ses amis Box, graphiste, et Taiko, musicien/modéliste, et lui propose d’entrer dans leur petite société, la Akihabara@deep. Pour le convaincre, elle montre à Kôji le programme que l’équipe souhaite développer : une chat box qui semble lire dans les pensées. Mais le quatuor ignore que le groupe Digicapi, dominant le marché, les espionne depuis qu’Ayata, un des leurs, a appris le retour de Page. Ayant découvert que leur puissant rival s’apprête à lancer une copie de leur logiciel, ils décident de terminer leur version les premiers et, pour cela, de trouver Yui, la vie artificielle qui a déjà communiqué avec eux, via Aquila, un jeu en ligne. La guerre est donc déclarée entre la petite start-up et l’empire informatique.
En plantant son décor dans le célèbre quartier des hautes technologies, à Akihabara, Ira Ishida fait plonger le lecteur dans l’univers décalé des passionnés de jeux vidéos, de mangas et d’animés qui vivent souvent refermés sur eux-mêmes, ne faisant plus la différence entre la réalité et la fiction. Il met en scène cette faune singulière adepte du cosplay, douée en électronique ou passionnée par une idole et pour laquelle existe tout un vocabulaire spécifique : « otaku », « hikikomori », « moé », etc. Dans ce monde original, l’auteur développe une histoire relativement classique de David contre Goliath, à travers une petite société d’amateurs affrontant un grand groupe sans scrupules. Bien campés, les personnages, dont les manies sont soulignées à l’envi, se révèlent rapidement sympathiques, parce que jeunes et fringants, pour le quatuor d’Akihabara@deep mais plus caricaturaux pour les méchants de Digicapi, sans que cela soit véritablement gênant. Entre l’espionnage de la start-up par Ayata, l’intensité des séances de programmation gérées de main de maître par Kôji et le sauvetage de Yui dans le monde virtuel d’Aquila, le récit ne souffre d’aucun temps mort. Par ailleurs, tandis que le premier tome est consacré à la présentation de l’histoire et des protagonistes, le second volume est presque uniquement axé sur ce combat en ligne entre le héros accompagné de sa bande et le bras droit de Digicapi. Les personnages fictifs du jeu se superposent à ceux de la réalité tandis que l’action se joue sur les deux plans. Enfin, s’il est regrettable que l’élément le plus intéressant - l’existence possible d’une A.L. - paraisse tourner court à l’issu de l’affrontement, l’idée même qu’il dégage suscite la curiosité. La satisfaction issue d’un scénario plutôt prometteur se trouve en revanche diminuée par un dessin inabouti aux perspectives parfois trop approximatives. Le trait fin de Makoto Akane ne parvient pas en effet à conserver d’harmonieuses proportions des visages sous certains angles, ce qui gâche souvent l’ensemble, alors qu’il restitue bien les caractéristiques du quartier des otakus ainsi que l’ambiance qui y règne.
Les deux premiers tomes d’Akihabara@deep proposent une excursion étrange dans le nid tokyoïte de la haute technologie. D’une lecture relativement agréable malgré un graphisme laissant à désirer, ils raviront les connaisseurs qui verraient bien la naissance d’un tel lieu dans nos contrées afin de s’adonner sans frein à leur marotte.