L
a foule grondante et menaçante se presse autour de la massive forteresse. Le gouverneur De Launay, notoirement pleutre, chargé de défendre la Bastille, hésite et virevolte. À vouloir ménager sa mission et les insurgés, il n’opte pour aucune stratégie. En ce 14 juillet 1789, une révolte surgit à Paris et s’en prend au symbole de l’arbitraire monarchique et des lettres de cachet. L’important n’est pas de libérer la poignée de détenus présents ce jour, mais de faire passer le message d’indignation d’une population qui a faim et ne voit dans le Roi ni un protecteur, ni un fédérateur. Sauf pour Frédéric, Lisandro et Églantine, venus récupérer leurs complices faux-monnayeurs. À l’aide de leurs lettres de créance falsifiées, ils créent des liquidités leur permettant de lutter pour leurs idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité. Les canons parlent, les trois aventuriers s’introduisent dans la bâtisse, abaissent le pont-levis, permettant à la foule d’entrer et de s’enorgueillir d’une première victoire. Le périple se poursuivra à Saint-Malo où se trouvent les presses que l’équipe doit réactiver. Églantine, animée du rêve d’une équité entre les femmes et les hommes, reste dans la capitale pour poursuivre son idéal.
Le prolifique Jean-David Morvan, essentiellement connu pour Sillage et ses adaptations d’œuvres littéraires, s’empare, avec Ah, ça ira!, de l’esprit des Lumières qui anima les philosophes et les littérateurs, avant de conduire le peuple vers de nouvelles aspirations. Créant trois idéalistes – un par terme de la devise républicaine – il narre leurs aventures au creux d’événements à la forte portée historique et symbolique. Ce second tome fait la part belle à Églantine, exprimant toute sa rancœur envers la gent masculine et sa conviction que c’est à ses consœurs de prendre la place à laquelle elles aspirent, sans espérer et attendre qu’on la leur donne.
Malgré des intentions louables, aussi bien sur le plan narratif que sur celui des valeurs, cet épisode laisse quelque peu sur sa faim. Le découpage n’est pas exempt de certaines maladresses, les dialogues, souvent bien menés, révèlent quelques anachronismes facilement évitables et la dimension militante semble souvent plaquée artificiellement sur le récit. Le dessin de Julen Ribas (Le Spécimen) manque, quant à lui, de caractère. Le fourmillement du Paris de la fin du 18è siècle n’est pas rendu et les cases laissent beaucoup d’espaces vides qui ennuient le regard. La colorisation fade et sans relief de Garluk ne permet pas de créer de zones d’accroche.
L’idée générale était intéressante, l’immersion dans la période révolutionnaire était pertinente, les combats engagés méritent l’attention du neuvième Art, mais la déception est de mise pour Le Sang et la boue.