Le 07/10/2025 à 20:02:20
Dans L’Âge d’eau, Benjamin Flao compose un roman graphique profondément français : des figures populaires, libres et têtues, affrontent une société qui sacralise la sécurité — même après le déluge. Ici, pas de techno-solutionnisme : Flao mise sur l’humain, la solidarité et la friction avec l’autorité. Un chien bleu sert de fil narratif et inscrit nos vies dans un temps plus vaste. Les aquarelles, superbes, donnent à l’eau et à la lumière une présence quasi physique. Une fable sociale et poétique, intemporelle, qui pose la bonne question : notre histoire est-elle jamais close ?Le 04/10/2025 à 18:40:41
Toujours très fan de cette riche histoire. Et quand on habite au sud de Nantes, on apprécie d'autant plus.Le 28/09/2025 à 12:52:33
Il y a quelque chose de très émouvant dans cet album. Impalpable, imprécis, indéfini, mais émouvant. Ce deuxième tome est beaucoup moins structuré que le premier. Il part un peu dans tous les sens et c'est chouette. Au lieu d’aller au cœur de son sujet, on a l’impression que Benjamin Flao choisit délibérément de s’en éloigner, de le laisser flotter au gré du courant, de le survoler de plus en plus haut pour le laisser s’épanouir en toute liberté. Au regard du premier volume, on aurait pu s’attendre à un récit d’anticipation acéré sur les âges sombres dans lesquels s’enfonce une humanité malade ; ou à un pamphlet politique, anarchiste et libertaire sur l’autodétermination ; ou encore à un conte feutré, fait de chien bleu, de baleines pensantes et de maisons flottantes… Il y a un peu de tout ça dans cette seconde partie. Mais il y a surtout du panache, du burlesque, de la comédie pure. Beaucoup de lumière et de bonté. Cette énergie chaleureuse que l’on retrouve dans les films d’Emir Kusturica ou de Tony Gatlif, par exemple. Benjamin Flao met dans son œuvre la même audace, le même inattendu. Il réalise un petit tour de passe-passe espiègle et amical en emmenant le lecteur vers des contrées beaucoup plus douces et réconfortantes que le sujet le laissait initialement penser. C’est sans doute cela que j’ai trouvé profondément émouvant. Un diptyque qui prouve qu’avec du lâcher prise, de la poésie, de la bienveillance, on peut bâtir une œuvre plus forte, car plus singulière. Cette bifurcation improbable rend donc « L’Âge d’eau » bizarre, un peu bancal et bricolé, mais absolument superbe, à l’image de cette incroyable couverture. En conclusion, l’auteur a choisi d’emprunter un de ces chemins qui semblent ne mener nulle part, mais tonnerre, le voyage vaut le coup ! Car ce « nulle part » est tout simplement un merveilleux « ailleurs ». Merci Monsieur Flao, et bravo !Le 18/09/2025 à 08:13:58
Cela faisait plus de trois ans qu’on l’attendait, ce deuxième tome du diptyque « post-apocalyptique » de Benjamin Flao. Et on peut l’affirmer sans se tromper, notre attente se voit largement récompensée ! Son récit se lit comme une sorte de rêve éveillé, entre réalisme d’un contexte d’ « effondrement » du monde civilisé et digressions oniriques nous ramenant vers des temps immémoriaux où toutes les formes de vie étaient connectées. Comme pour le premier volet, ce nouveau chapitre de « L’Âge d’eau » doit se lire en se laissant porter, par les vagues peut-être, à la façon de Bruno, ce jeune homme « atypique » dérivant sur sa bouée, confondant son imagination avec la réalité… Et quand on dit « post-apocalyptique », on est loin du récit de science-fiction habituel, souvent anxiogène, où le sort de l’humanité semble définitivement compromis, bien au contraire, et c’est cela qui est rafraichissant. L’ « effondrement » est vu ici comme une planche de salut, l’occasion pour l’être humain, aveuglé par sa toute puissance technologique, de remettre en quelque sorte les pendules à l’heure. De se reconnecter au monde qui l’entoure, aux éléments naturels, de pratiquer une vraie connexion en échange de celle, illusoire et artificielle, de nos gadgets hypersophistiqués qui font de nous des techno-magiciens captifs, paresseux et gloutons (en ressources…). Pour apprécier de nouveau toute la beauté du monde, dont nos écrans ne montrent que de pâles reflets. Attention, qu’on ne se méprenne pas. Flao ne cherche pas ici à donner des leçons d’écologie. Il s’efforce plutôt de nous laisser entrevoir avec poésie la beauté d’un retour aux sources, et parfois non sans humour, cet humour qui permet de tout dire sans fâcher ou déclencher de polémiques stériles. On se souviendra avec jubilation de quelques scènes très cocasses, notamment avec Jeannes, qui saura accueillir comme il se doit les gendarmes venus la chercher pour la mettre dans un endroit « plus salubre », pour son « bien ». Notre sympathique « sorcière », un brin espiègle, va ainsi propulser ses « sauveteurs » dans des sphères élevées voire fantasques, grâce à un breuvage de sa composition… et certains d’entre eux ne s’en remettront pas ! Mais ce n’était que… pour leur bien ! Graphiquement, Benjamin Flao adopte des styles toujours assez variés. Parfois au bord de l’esquisse, son trait évolue vers un aquarellage de toute beauté pour accompagner les états d’âme du fameux chien bleu, « symbole de l’animalité spiritualisée ». Il y aussi cette séquences des funérailles de XXX, absolument splendide, qui pourra évoquer à certains « Le Temps des gitans » de Goran Bregovic. Cette galerie de personnages au look de zadistes mal léchés, qui sont à leur façon des héros du quotidien, permet à l’auteur de questionner la normalité, d’abord à travers Gorza, le frère muet de Hans, qui malgré ses airs simplets, s’avère doté de « superpouvoirs », notamment celui de dialoguer avec les créatures marines en restant de longs moments en apnée, ou encore Bruno, pour qui le kif ultime est de se laisser dériver sur son énorme bouée. Des êtres qui voient le monde sous une toute autre perspective, à l’opposé de ceux qui se prétendent rationnels et engoncés dans leurs certitudes… « L’Âge d’eau », vous ne vous en rendrez pas forcément compte immédiatement, est un livre magique, qui pourrait bien vous habiter longtemps après lecture. La question soulevée par ce récit n’est plus de savoir quand l’effondrement aura lieu, mais sous quelle forme. Benjamin Flao nous donne ici des raisons de ne pas complètement désespérer en transcendant cette crainte propre à beaucoup d’entre nous de perdre notre petit confort dans les catastrophes à venir. Il nous fait entrevoir d’autres pistes que le chacun pour soi ou la barbarie (ou les deux en même temps). L’esprit de solidarité et le respect du vivant, gouvernés par la bienveillance, sans arrière-pensées, seront à n’en pas douter la seule issue pour éviter à l’humanité de sombrer définitivement… Utopiste, Benjamin Flao ? Les cyniques le penseront probablement. Mais ce dernier, utopiste nuancé et poète, a trouvé la parade avec la conclusion (géniale trouvaille !) faisant de cet épisode une histoire sans fin… Et si tout cela n’était qu’un « drôle de rêve » ? Quoique l’on en pense, cette magnifique bande dessinée diffuse de très belles choses dans les cœurs et les âmes, faisant en quelque sorte de l’auteur de « Kililana Song » le marabout du neuvième art. D’ores et déjà un must de l’année 2025.BDGest 2014 - Tous droits réservés