Résumé: Peuple indigène pacifique et quasi-autarcique, les Adivasis seraient, selon un recencement en 2010, au nombre de 100 millions. Un chiffre aléatoire et décroissant car le sort de cette population reste mal connu. En effet ses conditions de vie deviennent de plus en plus catastrophique et son avenir, alarmant. Spoliés par l’État qui exploite et pille les richesses naturelles de leurs terres, menacés d’expulsion par la déforestation intensive et les industries de minerais, massacrés par l’armée indienne car amalgamés aux révolutionnaires « naxalistes », les Adivasis se retrouvent dans une situation désespérée qui n’émeut pourtant ni leurs compatriotes, ni l’opinion publique mondiale.
Considéré comme une « sous-caste », le peuple des Adivasis n’a pas voix au chapitre et disparaît en silence, oublié des médias et écrasé par les vagues de la mondialisation d’un pays en plein essor.
Eddy Simon (qui a enquêté sur place) et Matthieu Berthod dévoilent ici leur calvaire et analysent avec recul et minutie la descente aux enfers d’une population abusée.
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n soir de juin, des villageois se réunissent après leur journée de travail. Ils discutent des problèmes quotidiens, des fêtes à venir. Soudain, des hommes armés sortent de l'ombre et les encerclent. Des tirs en rafale éclatent et les balles pleuvent, plombant les corps. C'était en 2012, en Inde, dans une tribu d'autochtones, un massacre comme un autre...
Le terme Adivasis ("peuple originel") représente l'ensemble des ethnies aborigènes du centre du pays. Ils sont pacifistes et vivent en quasi-autarcie. Mais, depuis une quinzaine d'années, en toute impunité, ils font l'objet d'une extermination massive. Les raisons sont intemporelles et universelles : corruption, profit personnels, pression des lobbies industriels... L'introduction brutale de l'ouvrage est suivie d'un retour en arrière de douze ans, qui va revenir aux origines du conflit.
Le continent Indien tient une grande place dans le cœur du scénariste Eddy Simon (confidences à Allah). Il a profité de sa présence sur place pour effectuer un impressionnant travail d'investigation (collecte d'informations, entretiens avec des témoins; etc.) sur ce problème bien réel mais mal connu, car obstinément passé sous silence par ceux qui en sont les acteurs. Il n'est pas bon d'exposer la crasse aux yeux du monde. Cet ouvrage concrétise son enquête passionnante et effarante. Le livre alterne les chapitres où chacun des protagonistes (habitant, médecin, politicien...) donne sa version, permettant ainsi une totale objectivité. L'auteur intervient uniquement pour élaborer des pages explicatives, sortes d'interludes qui viennent éclairer les points obscurs pour le lecteur profane. Par ce procédé, Il n'y a pas besoin de connaissances spécifiques pour saisir la situation. La méthode se révèle un modèle de pédagogie et tout est relativement clair.
Le graphisme faussement naïf (contours et aplats noirs ombrés en vert-de-gris) de Mathieu Berthod est bien adapté au contexte et laisse ainsi toute l'intensité au texte.
De tout temps, les plus grands ont exploité les petits. Adivasis meurtris est un ouvrage nécessaire qui s'adresse à chaque habitant de la planète car, malheureusement, ce phénomène se produit dans d'autres pays. C'est un constat affligeant et une preuve supplémentaire que l'homme ne changera jamais.