E
st-il souhaitable pour un auteur d’être recommandé par l’un de ses illustres aînés ? Certes, ce petit coup de pouce pourra inciter le public à jeter un œil intéressé à son actualité, mais il aura surtout pour effet de mettre la barre très haut. Dans le cas présent, la postface de François Schuiten aura fait espérer un résultat du calibre de ses Cités obscures… Or, jamais les deux tomes d’Acqua Alta, publiés simultanément pour une raison sur laquelle nous n’épiloguerons pas, n’arrivent à la cheville de cette référence.
Si le récit souffre de cette comparaison forcée, il aurait tout de même pu, dans le registre qui est le sien, présenter des qualités propres, en dehors de toute influence. Après lecture, force est de constater que ce n’est pas vraiment le cas. L’univers de Daria Schmitt, quelque part entre lesdites Cités obscures et Horologiom, intrigue de prime abord. C’est avec intérêt que le lecteur suit dans un premier temps le parcours de Luc et Mathieu, chargés par le maire d’Equinoxéville de faire entrer dans l’enceinte de la cité une boîte mystérieuse, tandis que le carnaval se prépare selon la tradition. Étant donné le titre de l’ouvrage, Acqua Alta, il n’est pas étonnant de voir de telles festivités tenir lieu de fil rouge à l’histoire, mais leur représentation manque de panache.
D’un point de vue purement visuel, tout d’abord, l’intérêt suscité par une couverture aguicheuse sera rapidement tempéré par un rendu très fade au niveau des couleurs et par un trait beaucoup trop hésitant. L’action se déroule dans une impression de flou qui, si elle est peut-être voulue, n’en rend pas moins les deux volumes extrêmement monotones, sensation renforcée par une narration lente et laborieuse. Dialogues indigents et répétitifs, situations rocambolesques qui se succèdent sans rythme ni fluidité, personnages creux et réduits à leur simple fonction… Bien vite, la coupe est pleine et c’est avec difficulté que l’on atteint les dernières pages.
En définitive, Acqua Alta manque clairement sa cible : à trop afficher ses références, elle se décrédibilise elle-même.