Résumé: Une biographie en images du dessinateur de Tif et Tondu, Isabelle et du Jardin des désirs. À travers une sélection de 500 planches, illustrations et peintures, on découvre le parcours artistique de Will, dessinateur et peintre virtuose, depuis ses débuts dans l'atelier de Jijé aux côtés de Franquin et Morris, jusqu'à son exploration de la couleur, pratiquée avec un bonheur retrouvé dans ses albums "pour les grands" et ses portraits de femmes.
Commentés par Will lui-même, à travers une compilation d'interviews réalisées entre 1969 et 1998, neuf chapitres reprennent les grandes périodes de l'œuvre de Will : ses années de jeunesse et son apprentissage auprès de Jijé, son maître en bande dessinée ; son éclosion dans les pages du Journal de Spirou, avec les célèbres Tif et Tondu et leur meilleur ennemi M. Choc ; ses années à la tête de la direction artistique du journal Tintin ; son échappée belle vers une bande dessinée poétique et sans contraintes, avec la série Isabelle qu'il invente avec Macherot, Franquin et Delporte ; ses peintures au lavis, à l'aquarelle puis à l'huile, d'abord exécutées dans le secret de l'atelier, puis exposées en France et en Belgique ; et enfin ses albums en couleurs directes pour lesquels, à soixante ans passés, il réinvente sa façon de dessiner et utilise dans un même album sa maîtrise de la bande dessinée et ses talents de peintre.
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i]Mirages propose une vaste sélection de travaux réalisés par Will : ses productions connues, Tif et Tondu, Isabelle et ses histoires coquines (réunies dans Trilogie avec dames), mais également des pièces rares (illustrations commandées par le journal Tintin, Lili Mannequin ou Record et Véronique, scénarisé par René Goscinny). La recherche iconographique s’avère solide ; des centaines de planches originales et des dizaines de dessins sont présentés.
Il y a certes des carences, notamment le peu d’espace accordé aux deux épisodes de Jackie et Célestin pour lesquels il a tenu les pinceaux. Par ailleurs, les Éditions Maghen s’attardent longuement sur les deux détectives (cent-cinquante pages pour ces personnages avec lesquels l’illustrateur vivait une relation d’amour-haine) et relativement peu sur la protégée de l’oncle Hermès (une cinquantaine). Cette série marque pourtant un audacieux virage alors que le dessinateur, que tous reconnaissent doué, s’affirme comme un véritable artiste. C’est pour lui le début d’une époque où il exprime sa fantaisie et, ce qui n’est pas pour lui déplaire, dessine de jolies dames. Une avenue dont il poursuit l’exploration dans ses derniers albums et dans ses portraits de femmes, généralement dénudées, qui l’occupent vers la fin de sa vie. Cet ultime cycle est lui aussi richement documenté.
Si la monographie foisonne d’images, on ne peut pas en dire autant du contenu rédactionnel. De courts extraits d’entrevues ponctuent le livre ; ces brefs textes sont intéressants, ils amènent le bédéphile à comprendre la démarche du créateur et son rapport à son œuvre. L’aficionado aurait tout de même aimé lire une analyse plus consistante que la préface signée Stephen Desberg et un avertissement de la plume de Vincent Odin, concepteur et réalisateur de l’entreprise. Autre bémol, les compositions présentées ne sont jamais replacées dans leur contexte et il faut s’en remettre à l’index pour obtenir des indications sur la source de la représentation et l’année de sa création.
Cela dit, l’objet se révèle beau. Le papier est mat et épais (à l’exception de celui d’une section composée d’encres imprimées sur le recto de chics feuilles très minces) et la reliure robuste pour que le volume puisse être abondamment manipulé. Bref, la conception est exceptionnelle. La qualité d’impression n’est cependant pas toujours optimale, particulièrement les reproductions en couleur, par exemple, celles tirées de La 27e lettre ou du Jardin des désirs ont moins d’éclat que dans les albums. Le choix d'un support crème constitue sans doute une partie de l'explication.
Le projet n’est pas parfait, mais il a le mérite d’offrir au lecteur un accès aux archives du Maître, lesquelles sont autrement inaccessibles, car dispersées chez une multitude de collectionneurs.