L
e fait est bien connu et était même revendiqué par l’auteur en personne, Hergé agissait telle une « éponge » sur son entourage en aspirant les idées et les anecdotes de passages avant de les digérer et de les reconnaître siennes par la suite. Ça pouvait être un article de journal, un livre, une suggestion d’un de ses collaborateurs ou amis et, sujet de cet essai, un film de cinématographe. Remanié à en devenir méconnaissable et réécrit méticuleusement dans le seul but d’animer un passage d’une histoire, ce matériel devenait une pièce incessible des Aventures de Tintin. D’ailleurs, ces emprunts, conscients ou inconscients, d’un quotidien partagé par tous sont certainement une des raisons expliquant le succès de la série.
Dans Tintin du cinéma à la BD, Bob Garcia se concentre spécialement sur l’influence que le 7e art a pu avoir sur le processus créatif du maître de la ligne claire. Méticuleux, cet éminent tintinologue s’est d’abord efforcé de pointer toutes les mentions au grand écran dans les interviews existantes d’Hergé. Ensuite, il a dressé une liste des films vus ou supposément vus par le bédéaste. Puis, c’est le gros de sa tâche, il a tenté de déceler toutes les scènes communes ou similaires de ceux-ci dans les vingt-quatre albums de la collection. À force de gratter, Garcia est arrivé à dénicher un nombre insoupçonné de ressemblances ; le résultat de cette enquête est confondant. Oui, il est certain que le scénariste s’est largement inspiré de nombreux réalisateurs. Deux exemples parmi tant d’autres : il est impossible de ne pas penser à Laurel et Hardy quand on voit les pitreries des Dupondt et, c’est également indéniable, l’iconographie de Tintin au Tibet doit beaucoup à Lebende Buddhas de Paul Wegener.
Par contre, il ne faut pas immédiatement crier au plagiat ! Non, ces rapprochements viennent en grande partie de la méthode de travail d’Hergé. Comme il a déjà été mentionné, ce dernier piochait à gauche et à droite des pièces qu’il remodelait et intégrait à sa propre œuvre. De plus, ces concomitances s’avèrent pour la majorité invisibles aux yeux des profanes tant leurs formes ont été modifiées. Tous les artistes subissent des influences et, à une époque où l’information était difficile à rassembler, le cinéma servait simplement de source documentaire complémentaire aux magazines et aux livres techniques.
Intéressante et impressionnante relecture via le prisme du projecteur, Tintin du cinéma à la BD démontre une fois encore la richesse du titre le plus emblématique de la bande dessinée franco-belge.