Résumé: Ghada Hatem, médecin, Inna Modja, chanteuse, deux destinées qui s'accordent pour la cause des femmes. Elles, et tant d'autres, animent une maison qui leur est consacrée. Nicolas Wild est allé à leur rencontre.
Les violences faites aux femmes sont plus visibles qu'avant. Mais ces avancées sont fragiles et l'on craint toujours l'effet du moment qui ne dure pas. Des volontés se sont réunies au sein de la maison des femmes, plaine Saint Denis, qui s'obstinent à venir en aide à celles qui en ont besoin. Nicolas Wild, véritable éponge émotionnelle, est allé les interviewer. Son reportage est fort et édifiant...
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La maison des femmes. Il s’agit d’une maison, en Plaine Saint-Denis, accolée à l’hôpital Delafontaine qui accueille des femmes vulnérables ou victimes de violences. Un lieu pluridisciplinaire qui réunit sous un même toit des soignantes qui répondent aux différentes problématiques que peuvent rencontrer ces femmes en détresse.»
Habitué des zones tendues et des reportages chocs, Nicolas Wild (Kaboul Disco, Kaboul Requiem, Mondo Disco) ne savait pas vraiment à quoi s’en tenir quand il a accepté l’invitation de visiter cette institution méconnue. Après une journée à côtoyer des intervenantes courageuses et à, déjà, entrevoir la détresse et les sévices endurés par les patientes, il a été convaincu qu’il devait apporter sa modeste pierre à l’édifice. Bienvenue À la maison des femmes. Attention, ce qui se raconte derrière ces murs et dans ces pages pourrait choquer même les plus endurcis.
Féminicide, violence, prostitution forcée, mutilation génitale, exploitation… la liste des avanies faite aux femmes est sans fin. Les causes sont innombrables et reposent toutes sur l’antédiluvienne notion de la domination des hommes sur le sexe faible. Le cœur de l’album n’est pas là (quoique), mais plutôt dans les actions entreprises par la société pour corriger cet état de fait. Celles-ci peuvent malheureusement paraître dérisoires et sont immanquablement fragiles. L’établissement voulu et soutenu à bout de bras par Ghada Hatem-Gantzer en est la plus parfaite illustration. Une poignée de professionnelles et de bénévoles accueillent, écoutent, soignent, aident, éduquent sans relâche et sans jugement des victimes, souvent en situation irrégulière et toujours en danger.
Un peu gêné aux entournures (en tant que mâle, il peut être vu comme une menace par certaines) et ne sachant pas trop comment organiser son travail, Wild met quelques chapitres pour trouver le bon ton de sa narration. Plusieurs scènes générales de présentation et d’introduction, deux-trois, puis plus, mises en images de témoignages révélateurs, peu à peu, il bâtit un portrait glaçant et effrayant. Celui-ci est contrebalancé par l’énergie positive des employées de ce lieu de guérison, autant physique que psychique. Au final, de cours de francisation à de multiples consultations médicales, en passant par une session de lobbying à l’Assemblée Nationale et des interviews télévisées (il faut chasser les financements et prévoir le futur avec une demande toujours grandissante), l’auteur réussit la gageure de construire un album «quatre vérités» indispensable et éclairant.
Entre havre de paix et solution de dernier espoir, si ce genre de lieux existe, c’est qu’il est malencontreusement nécessaire. À la maison des femmes ne changera pas le monde (contrairement à son sujet), l’ouvrage permettra cependant de mieux le faire connaître, de sensibiliser le grand-public et, avec de la chance, d'aider à le pérenniser.