Résumé: Après plusieurs projets à destination des personnes détenues, Sandra Ndiaye décide de travailler au quotidien dans une maison d'arrêt. L'espace d'un an elle y organise des ateliers artistiques et culturels. Mais son action est fragile car elle dépend de la qualité des relations humaines, rapports rendus difficiles au sein d'une institution dont le rôle semble devoir se limiter à celui de punir.
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ourquoi Sandra Ndiaye a-t-elle décidé de travailler dans une maison d'arrêt ? Il s'agit du résultat d'un cheminement personnel pour elle qui a conscience d'être née du bon côté de la Méditerranée et du Périph'. Le privilège de sa naissance l'a protégée mais tout la renvoyait sans cesse à ses racines. Les vacances au Sénégal lui ont fait découvrir les inégalités entre continents. Et bien qu'elle se sente française, lorsqu'elle dit être née en Maine-et-Loire, sa nature métisse déclenche aussitôt la question suivante: d'où vient-elle vraiment, avant, comme si sa nationalité n'était qu'un leurre. Cette altérité qui lui est sans cesse rappelée nourrit, depuis, une quête de sens que la jeune femme espère combler en travaillant auprès des prisonniers.
Après quelques projets divers , Sandra Ndiaye décroche un poste dans une prison. Elle doit organiser des activités culturelles pour les détenus. Dans À l'arrêt, elle relate cette expérience, riche de rencontres parfois paradoxales. Elle côtoie des détenus aux profils très variés. Certains s'abandonnent à l'abattement face à l'ennui et l'arbitraire. D'autres entretiennent un petit pouvoir qui trouve son carburant dans une rébellion. Certains se révèlent profondément attachants. Beaucoup purgent des peines liées à des délits qui, il y a quelques décennies, n'auraient occasionné que de simples amendes. Plus rares, quelques-uns ont commis des crimes plus graves (et ne représentent que deux pour cents des peines), voire des faits de mœurs, qui, lorsqu'ils sont connus par leurs codétenus, en font des cibles.
En règle générale, l'autrice préfère ne pas avoir connaissance des condamnations des personnes qui assistent à ses ateliers. Elle veut les voir comme des êtres humains, sans juger, ce n'est pas la raison de sa présence dans ces murs. La jeune femme découvre aussi un milieu froid et régi par une multitude de règles et de jeux de pouvoir, plus ou moins justifié ou mesquin. Des vexations fréquentes, des abus, des vengeances, des plaintes... C'est tout un monde fermé auquel elle doit s'habituer et composer. Elle s'interroge sur la finalité du système carcéral, se demandant si ce dernier possède la volonté ou les moyens pour jouer un rôle préventif ou éducatif, et pas seulement répressif. Sans diabolisation ni angélisme, elle n'a pas l'ambition d'avoir la moindre réponse à fournir. Elle apporte des éléments de réflexion liés à son expérience personnelle. Au lecteur de se faire sa propre opinion.
Coécrit par Frédéric Debomy, habitué des bandes dessinées documentaires, À l'arrêt propose aussi quelques belles séquences, qui illustrent la lenteur et la lourdeur de l'administration, la longueur des couloirs séparés par des portes sécurisées, des badges d'accès aux autorisations aléatoires. Quant au dessin de Benjamin Adès, il offre des visages aux anonymes qui végètent derrière les barreaux. Coupables ou non, ils restent des êtres humains.