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Résumé: Que cache la vie publique étonnamment lisse de Gustave Eiffel ? Nous connaissons ses grands travaux (sa Tour, la structure de la statue de la Liberté, le canal de Panama...), mais l’homme beaucoup moins...
Ingénieur paradoxal (il pratique le magnétisme, fréquente Victor Hugo et la franc-maçonnerie), Eiffel entretient un rapport particulier avec les femmes de sa vie : sa mère, sa fille, sa femme
et surtout sa cousine Alice avec qui il vécut une relation cachée pendant de très nombreuses années. Alice, la muse qui inspira peut-être par son initiale la fameuse tour. Alice, dont la beauté emportait le rigide Eiffel, travailleur infatigable et apôtre de la technique... Entre réalité historique et fiction romantique, A comme Eiffel nous entraîne à la rencontre d’un Icare moderne qui connut l’ascension puis la chute, vivant aujourd’hui encore dans nos imaginaires à l’ombre de son œuvre la plus célèbre.
I
l y a la tour qui porte son nom, évidemment, mais qui était donc réellement Gustave Eiffel (1832 – 1923) ? Un ingénieur au sommet de son art ? Un homme d’affaire avisé et honnête ? Ou, simplement, un petit garçon qui avait décidé de faire les choses en plus grand et en plus haut pour impressionner une trop belle cousine impossible à oublier ?
A l’hagiographie, au portrait à charge ou à la biographie ultra-documentée, Martin Trystram a préféré l’évocation fictionnelle. Si A comme Eiffel revient bien sûr la vie et les réalisations du célèbre bâtisseur, l’ouvrage se concentre tout particulièrement sur la part intime du personnage. Moderniste, il croit au progrès, aux nouveautés technologiques et, entrepreneur clairvoyant, il a très vite réalisé l’importance de savoir se vendre. Dans le même temps, ami de Victor Hugo, c’est également un romantique invétéré qui met toujours son amour d’enfance au centre de ses créations. Encore plus étonnant, malgré sa foi dans la science, il croit à la radiesthésie qu’il pratique religieusement avant d’entamer tout projet. C’est donc un être complexe et paradoxal que le scénariste anime au fil de l’album.
Le résultat est malheureusement mitigé tant le héros semble constamment échapper à l’auteur. Une fois les fondations psychologiques établies, la narration passe d’une scène à l’autre sans trop de cohérence ou de continuité. Chevalier d’industrie à un moment, internationaliste voulant relier les peuples entre-eux (en utilisant ses ponts et ses viaducs, cela va de soit)) et toujours fleur bleue quand il s’agit de retrouver sa muse, il est figé dans ses postures et n’évolue pas. De plus, Trystram n’hésite pas à tirer sur la corde sensible et le pathos pour arriver à ses fins. En résumé, derrière beaucoup d’artifices, il manque une vraie profondeur au récit.
Graphiquement, Xavier Coste a choisi d’axer uniquement sa reconstitution sur le côté sentimental de l’histoire. Éthérée et, à l’image de la très belle couverture, poétique, sa vision de la seconde partie du XIXe siècle fait fi de toute forme de naturalisme. L’ensemble est admirable, en phase avec l’âme de midinette qu’a apparemment entretenu Gustave tout au long de son existence, mais ne retranscrit absolument pas l’énergie et la puissance du fer et de l’acier qui ont forgé cette destinée.
Techniquement sans faute et d’un esthétisme très recherché, A comme Eiffel est un bel objet. Il rate néanmoins sa cible en raison d'un traitement dramatique forcé et passablement convenu.