Info édition : Avec jaquette illustrée. Sens de lecture d'origine (droite vers gauche). Hinoko est crédité pour l'adaptation graphique.
Résumé: Shoko Nishimiya est sourde depuis sa naissance. Même équipée d’un appareil auditif, elle peine à saisir les conversations, à comprendre ce qui se passe autour d’elle. Effrayé par ce handicap, son père a fini par l’abandonner, laissant sa mère l’élever seule.
Quand Shoko est transférée dans une nouvelle école, elle s’emploie à surmonter ses difficultés mais, malgré ses efforts pour s’intégrer dans ce nouvel environnement, rien n’y fait : les persécutions se multiplient, menées par Shoya Ishida, le leader de la classe. Tour à tour intrigué, fasciné, puis finalement exaspéré par cette jeune fille qui ne sait pas communiquer avec sa voix, Shoya décide de consacrer toute son énergie à lui rendre la vie impossible.
Psychologiques puis physiques, les agressions du jeune garçon se font de plus en plus violentes... jusqu’au jour où la brimade de trop provoque une plainte de la famille de Shoko, ainsi que l’intervention du directeur de l’école. À cet instant, tout bascule pour Shoya : ses camarades, qui jusque-là ne manquaient pas eux non plus une occasion de tourmenter la jeune fille, vont se retourner contre lui et le désigner comme seul responsable...
Un manga pas comme les autres, qui réussit avec brio à parler de handicap de manière juste et touchante !
Q
uoi de mieux pour sortir de l’ennui que des défis absurdes ? C’est du moins ce que croit Shoya Ishida, toujours prêt à sauter d’un pont ou à buter dans des poteaux, même quand ses potes trouvent ça moyen. Quand Shoko Nishimiya arrive dans sa classe en cours d’année et révèle qu’elle est malentendante, il la prend pour une extraterrestre et n’a, alors, de cesse de tester sa surdité. Trop gentille, trop douce, il finit par la prendre en grippe et en fait sa proie favorite. Après tout, ne ralentit-elle pas tout le monde ?
Ijime. Un terme japonais plutôt court pour désigner le harcèlement scolaire, un phénomène ancien aux conséquences souvent dramatiques qui sévit dans les cours de récréation – et au-delà -, faisant couler beaucoup d’encre, mais toujours trop tard, quand il s’est glissé dans les journaux ou a fait le buzz sur internet. Tel est l’un des thèmes principaux de A silent voice, l’autre étant le handicap ou, dans une lecture plus large, la différence.
Yoshitoki Oima ne prend guère de pincettes pour évoquer brimades, paris stupides et réflexions pourries qui débutent d’entrée de jeu et vont crescendo. Ce n’est d’ailleurs pas l’envie qui manque d’en coller une à Shoya, tant son attitude est détestable, et ce, dès le début. Mais son comportement immature et inadmissible trouve un pendant bien plus dérangeant dans celui de ses camarades dont les propres failles apparaissent peu à peu et finissent par donner la nausée. Leur façade aimable s’effrite au fil des pages pour basculer d’abord dans l’indifférence, puis dans l’adhésion passive – ricanements et sourires en coin en disent parfois long -, avant de basculer dans l’action, une fois que l’arroseur se retrouve arrosé. Peu importe finalement la cible, ce sont les brutalités morales et/ou physiques qui sont ici dénoncées. Et nul n’est épargné, pas même le corps enseignant. Le mangaka rend très bien le tumulte des émotions à la fois des différents personnages, mais aussi – et c’est essentiel – du groupe. Ainsi, l’enthousiasme premier de la classe qui ne ménage pas son aide à la douce Shoko en raison de sa surdité se transforme progressivement en lassitude et en détestation, voire en haine. Le récit est porté par un graphisme expressif et au trait fin qui transmet bien le ressenti des protagonistes, tout en reprenant les codes classiques du genre. Le découpage précis et les cadrages variés assurent une bonne dynamique, ainsi qu’une grande fluidité. Quant à la barrière induite par le handicap, elle est habilement mise en scène à travers les yeux étonnés de la gamine qui en souffre et l’utilisation d’un cahier qui lui permet de communiquer avec les autres.
Voilà donc une entrée en matière réussie pour ce shônen qui donne envie d'y revenir. Nul doute que l'auteur aura matière à bousculer ses héros dans les six prochains tomes.
Les avis
Erik67
Le 30/08/2020 à 23:12:41
Il y a une réelle difficulté d’intégrer des enfants handicapés dans une école normale. Les professeurs ne sont généralement guère enchantés d’avoir à gérer un surplus de problèmes. Par ailleurs, en temps normal, les élèves ne se font pas de cadeau entres eux étant plutôt doués pour une méchanceté exacerbée. Une déficience et c’est une vraie galère pour l’enfant handicapé qui se trouve alors dans une situation de grande souffrance. La solution serait malheureusement de changer d’école (ce qui sera le cas en l’espèce) ou de pratiquer des cours par correspondance à charge pour les parents de remplacer les professeurs.
Ce récit m’a particulièrement ému car les problématiques rencontrées ne relèvent pas du fantasme ou d’une quelconque exagération. J’ai bien aimé l’audace d’utiliser le point de vue du leader de la classe de CM2 qui n'a visiblement rien compris. Il va se retrouver lui-même dans une position de banni non enviable. Cela commence par un flash-back de 6 années après où il tente de retrouver sa victime afin de s’excuser. C’est surtout son psychisme qui sert de moteur à ce récit.
Et fort heureusement, il va évoluer et comprendre. Je garde espoir sur une issue heureuse car tout cela a commencé assez tristement. J’ai réellement envie de connaître la suite car mon cœur a été plutôt attendri par cette lecture. Le dessin est également très accrocheur : beau, fluide et clair.
Cette série a connu un gros succès au Japon avec pas moins de 700.000 titres écoulés en 4 mois à peine. Cela marque un intérêt pour le harcèlement scolaire et le handicap qui sont des sujets plutôt sensibles. Je viens de terminer le dernier tome et je peux dire que la série conserve tout son intérêt malgré le changement d'attitude du principal protagoniste harceleur. J'aime bien ce thème de la rédemption à tout les niveaux.
Bref, a silent voice ne mérite pas le silence mais une certaine forme de médiatisation afin de mettre l'accent sur ce qui ne va pas dans le système de l'éducation. C'est notre regard sur le handicap qui est tout chamboulé. Cela m'a laissé sans voix !
Nicocolas
Le 30/07/2016 à 15:22:23
Le tres bon premier tome d'un manga qui prendra une tournure innatendue au fil des prochains tomes.
Un sujet rare et traite avec justesse.
pokespagne
Le 05/09/2015 à 12:20:43
A priori, il semble que ce "premier tome" de "A Silent Voice" ait été à l'origine - et avant le succès qu'il a rencontré - un one shot. De fait, ce récit minutieux et formidablement intelligent de l'exclusion progressive d'une petite sourd-muette par une classe toute entière (on est semble-t-il en fin de primaire, juste avant l'entrée au collège) tient parfaitement bien tout seul, même s'il se clôt d'une manière ouverte par les retrouvailles des protagonistes Shoko et Shoya six ans plus tard. Yoshitoki Oima gère parfaitement son récit pour éviter de tomber dans le piège évident du sentimentalisme, et retourne même le point de vue conventionnel en faisant du tortionnaire la principale victime, alors que la jeune infirme poursuit sa route, mûrie de manière précoce - du moins on l'imagine - par les épreuves traversées. De même, la force de "A Silent Voice" vient de la description objective des mécanismes de rejets, souvent dissimulés derrière une apparente bienveillance (de la part de l'enseignant par exemple) et derrière les grands principes. Rien de manichéen donc ici, l'attention sensible aux détails remplaçant avantageusement la critique facile. Ajoutons que le dessin est aussi beau que facilement lisible (ce n'est pas le cas, on le sait, de bien des mangas pour adolescents), et on a une véritable petite réussite. Reste maintenant à savoir en quoi de nouveaux tomes pourront bien enrichir un récit aussi bien conduit.