Le couperet

L e cercle Jung est réuni au restaurant Le Couperet. Un des convives raconte l’extraordinaire aventure d’Oscar, victime des clichés que son étrange cerveau prend au pied de la lettre. Alors qu’il s’apprête à rencontrer son amoureuse, il se dit qu’il ne faut pas couper les cheveux en quatre, et voilà que sa toison s’envole doucement. Les choses se corsent quand il annonce à un commerçant qu’il souhaite jeter un œil aux bagues de fiançailles… et que l’organe sort son orbite. Tout au long de la chronique, le protagoniste voit son corps le fuir, morceau par morceau. Pendant ce temps, un mystérieux cuisinier assaisonne le repas des clients avec des clous, des tessons et des lames de rasoir.

Le récit de Philippe Girard est constitué de trois histoires dépecées en mini chapitres présentés en alternance. L’ensemble, un peu court, repose sur une idée originale portée par des personnages singuliers, mais finalement attachants dans leur détresse. La narration, bien qu’elle soit tortueuse, aurait pu égarer le lecteur ; le fil est cependant solide et personne ne se perd dans ce brassage d’épisodes qui s’entremêlent, avant de converger d’astucieuse façon.

L’auteur, qui est également illustrateur, fait preuve d’une belle économie de moyens. Son coup de pinceau, relativement simple, est très encré. Il renforce ainsi la noirceur de la fable ; dans cet album, les seuls moments joyeux et colorés sont les planches pastichant des peintres du XXe siècle, notamment Andy Warhol, Joan Miro et Jackson Pollock. Le découpage de cette bande dessinée de petit format est sobre, l’artiste s’en tient généralement au gaufrier à six cases. Cette régularité fait écho à la très rigoureuse structure du texte.

Une fantaisie insolite, macabre et surréaliste, plutôt bien menée.

Moyenne des chroniqueurs
7.0