Forçats 2. Le Prix de la liberté

L es efforts d’Albert Londres pour appeler à la libération d’Eugène Dieudonné portent enfin leurs fruits : sa grâce va lui être accordée d’ici deux ans. À Cayenne, malgré la bonne nouvelle, cet ultime délai est celui de trop et le prisonnier s’évade ! Déclaré mort par les autorités, il aurait, en fait, réussi à atteindre le Brésil. Avant d’achever la lutte pour la réhabilitation du bagnard, le célèbre journaliste veut en avoir le cœur net et s’embarque pour l’Amérique du Sud.

Le prix de la liberté clôture Forçats. Étrangement organisé et truffé d’apartés historico-explicatifs, ce deuxième tome tente principalement de résumer l’action de Londres en tant qu’acteur de la dénonciation du bagne. Ses relations avec son éditeur et ses collègues (Andrée Viollis, en particulier) décrivent justement les difficultés de ce combat journalistique. Comme il faut finir le récit, Patrice Perna revient également sur l’autre figure centrale de ce diptyque, Dieudonné. Les raisons de son emprisonnement, l’enquête bâclée, son procès à charge, sa dernière évasion et ce qui s’ensuit sont aussi racontés. Malheureusement, les incessants allers et retours entre ces axes s’avèrent difficiles à suivre. De plus, l’énorme quantité d’informations nécessaire à une bonne compréhension de l’époque surchargent fortement la lecture. Certes, le propos est passionnant et les différents enjeux cruciaux, mais quelle lourdeur dans la narration ! L’album manque de respiration et de répit (voire d’un troisième volume pour équilibrer cette ambitieuse entreprise).

Sombre, même en plein jour, c’est ainsi que Fabien Bedouel aborde cette dernière ligne droite. Usant d’un trait qui lorgne de plus en plus vers Mike Mignola, le dessinateur dépeint avec force noirceur ces années 20. Par contre, si l’effet général est saisissant, le rendu s'avère presque monolithique et sans nuance. France, Guyane ou Brésil, présent et passé, toutes les planches baignent dans la même atmosphère sévère et désespérée (les regards lourds des protagonistes en disent long à ce sujet). Oui, les faits sont graves, impardonnables, mais, finalement, le condamné n’a-t-il pas été pardonné ? Comme pour les mots, un peu plus de subtilité dans la manière aurait été la bienvenue.

Malgré une mise forme trop forcée par moments, Forçats reste une excellente œuvre de mémoire qui ne laisse pas indifférent.

Moyenne des chroniqueurs
6.3