Tristan et Yseult

E n plus d’être beau, Tristan est un chic type. Quand son oncle, le roi Marc, lui demande de retrouver la propriétaire d’un cheveu égaré dans son jardin, et de la lui ramener pour qu’il l’épouse, il n’hésite pas une seule seconde. Il repère la demoiselle, mais voilà qu’elle s’éprend de lui. Le chevalier n’a cependant qu’une parole et il livrera a son parent l’objet de sa convoitise. À l’instant du départ, la mère de la blondinette, inquiète, confie à sa progéniture un élixir que les promis pourront boire afin d’assurer un mariage heureux. Mais c’est bien connu, on n’est pas sérieux lorsqu’on a 15 ans : l’insouciante fait absorber la potion au héros, avant de la prendre à son tour. Ce qui est embêtant, c’est que la jeune fille est attendue par le souverain qui est par ailleurs très attaché à l’aventurier. Qui l’emportera ? l’affection ? la loyauté ? l’amitié ? la famille ?

Agnès Maupré propose une amusante modernisation d’un mythe populaire. Elle en recycle les principaux éléments (boissons magiques, étreintes illicites, etc.) pour mieux les travestir. Oubliez l’amour courtois, les amants vivent une passion charnelle. Au reste, leur première union évoque un viol. Les protagonistes sont facétieux. Pour dire vrai, leurs comportements font penser à ceux des adolescents d’aujourd’hui. La pucelle pique des colères, claque les portes et refuse d’être considérée comme une marchandise, surtout si l’« acheteur » est un gentil roitelet pondéré et végétarien alors qu’elle a le béguin pour un impétueux traqueur de dragons. Le récit est sympathique, un peu léger, mais soutient l’intérêt du lecteur.

Le dessin de Singeon est simple et fleurette avec la ligne claire. Les scènes d’action sont particulièrement efficaces, notamment un combat contre une créature mythique et une chasse à courre. Des motifs floraux inspirés par l’art nouveau sont également réussis. Les visages sont toutefois rapidement exécutés et les bouches semblent parfois siliconées. Le découpage est par moment audacieux, par exemple, un banc de poissons prend son élan sur la troisième bande de la page de gauche et se poursuit sur toute la planche suivante, certaines cases sont triangulaires et d’autres filiformes.

La colorisation est centrale dans cette adaptation. Les pigments sont acérées et renforcent le dynamisme de la composition. Les ciels, les mers et les intérieurs sont de tous les tons et permutent d’une vignette à l’autre. Ce jeu sur les contrastes stimule la narration en accentuant l’intensité des conflits. Paradoxalement, les couleurs sont aussi le matériau le plus faible de ce livre. Trop crues, elles finissent par faire mal aux yeux. Les personnages ont le poil rose, vert ou fuchsia et les teintes ont tendance à être inconstantes. Par exemple, la chevelure de l’héroïne change fréquemment d’apparence, sans que cela soit toujours justifiable par une différence d’éclairage. Bref, les coloris souffrent d’un excès de créativité.

Un album énergique et joyeux qui remet un conte traditionnel au goût du jour.

Moyenne des chroniqueurs
7.0