Les maîtres de White Plain 1. Liens de haine

T rente coups de fouet pour une tentative d'évasion : c'est la punition appliquée dans la plantation de Shannon Cross en Louisiane. En 1848, l'esclavage est bien ancré dans les traditions du sud des États-Unis et le jeune Charles compte bien reprendre l'affaire familiale d'une main ferme. Pas comme son lâche de père qui laisse sa réputation se salir sans réagir, ni comme sa mère, qui a une fâcheuse tendance à se soucier du sort de ces sous-hommes. Un enfant en particulier requiert toute son attention. Du même âge que le petit maître, elle lui apprend aussi à lire ! La jalousie, la colère, l'arrogance et la rancœur, tous ces sentiments jusqu'alors réprimés par Charles s'exprimeront en un seul geste, lourd de conséquences pour chacun. Et si tout cela avait pour origine une fameuse nuit de 1839 ?

Édouard Chevais-Deighton (Carlisle) a choisi une période qui le passionne pour situer un drame générationnel dont la cause reste trouble dans ce premier épisode. Le récit alterne flash-back, ellipses et sauts dans le temps. Et c'est là où le bât blesse car si le contexte social et historique est bien exploité, les repaires chronologiques ne sont pas toujours évidents et ont tendance à perdre le lecteur. L'idée de départ possède un riche potentiel mais, malheureusement, les rebondissements sont téléphonés. Associés au manichéisme des personnages qui ne provoque pas d'empathie (pas un pour racheter l'autre), la lecture en ressort forcée, dans l'attente d'un coup de théâtre salvateur. Au cœur de l'intrigue, le rôle de l'esclave noir Moïse aurait vraiment gagné a être développé.

C'est une rencontre avec Christian Rossi qui a conforté le dessinateur Antoine Giner-Belmonte dans son choix de carrière dans la bande dessinée. Si son style se situe dans la même veine réaliste, force est de constater que son trait n'atteint pas encore la qualité du maestro. L'encrage chargé dans les ombrages rend la distinction des individus parfois malaisée. Encore un peu grossier, son trait manque de régularité et rend les expressions et les silhouettes maladroites. Beaucoup plus à l'aise dans le rendu de la faune et de la flore, ces décors restituent l'ambiance du bayou à merveille. Il est aidé en cela par les couleurs idoines de Nadine Voilat et Sébastien Bouet.

Si les intentions et le travail de fond sont indéniables, le résultat manque cruellement d'équilibre et de subtilité, tant au niveau du scénario que du graphisme. Il reste à souhaiter que le second tome rattrape quelques-uns de ces défauts rédhibitoires.

Moyenne des chroniqueurs
5.0