Le pays des purs

« Je me suis dit que Benazir Bhutto, c’est un peu Brigitte Bardot au pays des fous de Dieu. »
Pakistan, 2007. Le gouvernement est en crise, mais Sarah Caron n’a peur de rien. Elle parcourt le pays des purs (i.e. Pakistan), fait confiance aux gens et capte des images pour les plus importantes publications du monde, ce qui lui permet notamment de côtoyer la politicienne que l’armée confinait à résidence, peu avant qu’elle soit assassinée.

Le récit de la photoreportrice française, adapté par Hubert Maury, ressemble un peu à cet univers : désordonné (en fait, l’histoire l’est un peu alors que cette région l’est beaucoup). Les changements de lieux sont fréquents, les personnages, plus ou moins secondaires, apparaissent et disparaissent à la faveur des épisodes, sans oublier un enchaînement des péripéties qui étourdissent par moment.

Le sujet de cet ouvrage n’est cependant ni la présidente ni les événements politiques qui bousculent cette contrée. Le cœur de l’entreprise est la journaliste dont on découvre le travail et les traits de caractère. La jeune femme a de toute évidence du mal à s’y retrouver dans cette civilisation faite de traditions, de codes d’honneur et de rivalités interconfessionnelles, mais avec le concours d’une indéfectible chance, elle tire toujours son épingle du jeu.

Bien que le substrat soit dramatique, les scénaristes ont fait le choix de l’aborder avec une certaine légèreté. Rien ne semble vraiment grave. L’héroïne est facétieuse, maladroite et rigolote. Son regard est superficiel; sa fonction n’est d’ailleurs pas d’expliquer et de décortiquer, mais plutôt de montrer.

Le dessin est à l’avenant. Le contexte est dur ? Qu’à cela ne tienne, l’artiste l’attaque comme s’il s’agissait d’une aventure de Spirou. Le trait est caricatural, les expressions des acteurs sont exagérées, les onomatopées sont omniprésentes et quand il y a une poursuite automobile les voitures volent et sont entourées de petites lignes pour souligner la vitesse.

La plus grande partie du livre est traitée en bichromie par Clémentine Louette, ce qui est presque une norme pour un roman graphique de cette taille (200 pages). Quelques planches sont en noir et blanc, voire en noir tellement elles sont encrées. Ces illustrations sont fort réussies.

En terminant cette bande dessinée, le lecteur a la très belle impression qu’il vient de mettre la main sur le premier tome d’une série consacrée à Seccotine, l’impétueuse scribouillarde que les successeurs d’André Franquin ont trop rarement remise en scène.

Moyenne des chroniqueurs
6.7