Bleu pétrole

« Je ne vous demande pas de vous sacrifier, de partir ou de rester, il faut vivre comme vous l‘entendez, mais vous êtes une famille, et vous serez toujours, quoi qu’il arrive, une famille. »

Commune de Ploudalmézeau, Finistère, années 1970. La maisonnée de Bleu se confond avec celles des voisins. Le père, agriculteur deviendra maire. Manon, mère au foyer… restera mère au foyer. Ils ont trois enfants, dont Paulo, trisomique. Le temps passe, mis à part le départ de Lucas pour l’Afrique, les choses suivent leur cours. Le point tournant de l’histoire est une catastrophe écologique survenue en 1978 alors qu’un pétrolier, l’Amoco Cadiz, s’échoue au large. Le destin de la petite communauté est bousculé. Le politicien se lancera dans un bras de fer de quatorze ans pour obtenir réparation.

La chronique, signée Gwénola Morizur, est banale dans le bon sens du terme. La marée noire est presque anecdotique dans ce récit qui s’attarde avant tout sur les protagonistes et leurs relations plutôt que la pollution. Est-il possible que l’enjeu de la santé des Africains soit finalement plus important que quelques centaines de kilomètres de plage souillée ? À moins, que ce qui compte vraiment ce soit de prendre soin d’un enfant malade ? De s’inquiéter pour un fils vivant au loin ? Ou de son refus de reprendre la ferme familiale ? Dans cet album, la scénariste enlace les grands drames de notre époque et les toutes petites anecdotes domestiques, sans présumer que les uns soient plus importants que les autres.

Le dessin réaliste de Fanny Montgermont fait corps avec le reportage. Les personnages sont crédibles et les lieux rendus avec justesse. L’exercice ne se veut pas virtuose, l’objectif est de soutenir le propos sans détourner l’attention du lecteur. Sa mise en couleur à l’aquarelle est également très réussie. Alors que le discours est fondamentalement sombre et dramatique, ses pigments clairs font la démonstration que la vie reprend toujours le dessus.

Les auteures relèvent avec habileté le défi de raconter la solidarité en prenant pour prétexte un drame qui a secoué la Bretagne et le monde.

Moyenne des chroniqueurs
8.0