Manifest Destiny 2. Amphibiens et insectes

J uin 1804. Un mois après les événements éprouvants de La Charette, l'équipage des capitaines Lewis et Clark poursuit l'exploration de l'Ouest américain et ses territoires encore vierges. Les nerfs des divers membres ayant été mis à rude épreuve, le moindre petit tracas a tendance a exacerber et détériorer l'atmosphère déjà pesante. L'irritation s'installe insidieusement quand, soudain, le bateau se trouve stoppé au beau milieu du fleuve par une arche une similaire à celle découverte dans la forêt. La surprise n'est pas encore dissipée qu'une créature monstrueuse, sorte de crapaud géant, surgit des eaux et provoque la débandade. Isolés de chaque côté de la rive, deux groupes ainsi formés vont devoir rivaliser d'ingéniosité, de courage pour se réunir et sauver leur vie, car les épreuves sont loin d'être terminées. Mais le danger pourrait bien venir aussi de l'intérieur...

La "destinée manifeste" est l'idéologie selon laquelle les colons d'Amérique avaient pour vocation de répandre la démocratie et la civilisation parmi les populations dites sauvages, inférieures. Cette mission, en plus de la collecte d'échantillons de faune et de flore locales, a été donnée par le président en place, Jefferson. Basée sur des faits réels, cette série réinterprète l'Histoire comme on le fait en cuisine, en introduisant une bonne dose de fantastique, une cuillerée de frisson et une pincée de gore. Au final, cannibales, zombies, monstres de toutes sortes mais aussi végétaux en folie côtoient des pionniers français, des soldats volontaires et des repris de justice. Il y aurait de quoi avoir une indigestion mais le scénariste Robert Kirkman (Walking dead, Outcast) sait pousser le bouchon juste ce qu'il faut pour éviter le n'importe quoi et faire de ce cocktail un vrai régal. Oui, la mayonnaise est bien ferme, les péripéties déjantées s’enchaînent de façon cohérente et le lecteur en redemande une part.

Dans ce deuxième épisode, une plongée plus profonde dans la psychologie des protagonistes s'effectue. Comme si l'hostilité du milieu était contagieuse, les instincts se libèrent, laissant s'exprimer les braves, mais les pures crapules aussi. L'arc narratif alterne la rédaction du journal de bord et le déroulement chronologique de l'aventure, comme précédemment. Ce procédé permet de s'immerger dans les mentalités de l'époque. Les personnages féminins révèlent leur importance et leurs qualités, la jeune femme indienne notamment, néanmoins ses intentions restent impénétrables. Il n'y a pas de héros à proprement dit, mais une pléiade de rôles, différents, pertinents et intéressants.

Le style graphique de Matthew Roberts, à rapprocher de celui de Matteo Scalera ou de Sean Murphy, en met pleins les mirettes avec ses détails foisonnants, ses décors et bestiaire inventifs aux couleurs vives. Quelques clins d'œil au folklore mythologique et cinématographique pimentent la lecture. La variété de formats de cases et le découpage dynamique rendent cet univers bien vivant.

Un cran au dessus du premier opus, Amphibiens et insectes, tout en s'autorisant une avancée dans l'intrigue foldingue, met l'accent sur l'humain, ses forces et ses faiblesses en temps de crise.

Moyenne des chroniqueurs
7.0