Ter 1. L'étranger

P ok-pok-pok... Maître Pip tapote la pierre avec sa pique. À la faveur de la nuit, ce pilleur de tombes, ce chineur de l'ombre, fait une découverte pour le moins inattendue : en lieu et place d'une momie poussiéreuse, il découvre un corps bien vivant, un homme en tenue d'Adam. Pacifique et peu loquace, l'étranger suit un Pip tout excité jusque Bas-Courtil, une cité entourée d'eau. En plus d'avoir perdu sa langue, l'inconnu semble avoir égaré sa mémoire. Qu'à cela ne tienne, il s'appellera Mandor, comme le suggère le tatouage sur son épaule. Cependant, si les habitants l'apprécient de plus en plus, lui et son étrange aptitude à réparer n'importe quel objet, les collèges religieux suspectent et redoutent une supercherie. Serait-il effectivement ce guide d'un monde nouveau comme la prophétie sacrée le suggère ? Ou bien un imposteur doublé d'un charlatan ?

Rodolphe est un artiste fécond, à l'aise dans tout les styles. Il crée cette fois-ci un milieu pittoresque, une mosaïque de mystère, de poésie, d'humour, et d'aventures exotiques. Si la trame principale reste la quête identitaire (thème cher au scénariste), la richesse de la toile de fond permet et promet moultes perspectives intéressantes. À ce propos, la dernière page est un modèle de revirement de situation... L'amnésie du héros laisse planer le doute sur ses intentions mais, malgré le peu d'information, il est relativement attachant. En effet, la bonne idée de faire de lui le narrateur induit un sentiment de proximité instinctif.

Un univers original demande un dessin stylé. La partie graphique a été confié à Christophe Dubois (La ballade de Magdalena) qui s'en sort royalement. Son trait se rapprocherait de celui de Vink pour le réalisme et de Juan Gimenez pour la densité de la texture. Les protagonistes sont bien individualisés et tous plus intéressants les uns que les autres. Les rares rôles féminins bénéficient d'une touche de sensualité élégante, quel gentleman ! Les décors, l'architecture et une faune inventive "à la Léo" accrochent le regard qui prend son temps. Les couleurs, douces et naturelles, font partie intégrante du sublime rendu de chaque planche. Le travail sur les ombres et lumières démontre l'importance accordée à l'expressivité.

Trois tomes sont prévus pour ce récit d'anticipation qui s'entrouvre sur un monde étrange et beau et donne vie à une galerie de personnages hauts en couleurs. Tout au long du volume, des prévisions sont esquissées mais des nuages, voire des orages, risquent de perturber le bleu du ciel de TER.