Ut (Barbato/Roi) 1. Les Venelles de la faim

E n 2016, l‘Italie se prend de passion pour une série en six fascicules pour le moins atypique. En 2017, les éditions Mosquito publient en trois tomes - de deux-cents pages chacun - les aventures de Ut.

Plutôt que de chercher à savoir qui est cet énigmatique personnage, ne serait-il pas plus aisé de définir ce qu’il n’est point ? Ce n’est pas un héros - du moins pas dans son sens générique -, ce n’est pas non plus le genre de protagoniste que l’on croise dans tous les strips et il est loin de ressembler à un bellâtre. Un brin infantile, voire primaire, Paola Barbato le définit comme « una specia di pinocchio moderno ». En des temps où ce qui ressemble à un ersatz d’Humanité ne recherche qu’à s’entredévorer, Ut ferait presque figure de gentil naïf s’il ne découpait pas son prochain à grand coup de serpe !

Romancière transalpine rentrée en BD via les scénarios de Dylan Dog, Paola Barbato livre un script pour le moins déstabilisant. Impossible d’appréhender ni le lieu ni l’époque et encore moins le contexte général de cette fiction. Curieusement, cet univers plus qu’insolite n’est pas aussi déroutant qu’il n’y parait de prime abord, ne serait-ce que par ses références visuelles notamment celles au cinéma allemand de l’Entre-deux-guerres ou à Lovecraft. Erratique, décousu, sans véritable fil narratif à l’exception d'une quête qui donne un peu de linéarité (et de sens) à un récit qui va de rues en ruelles sans finalité apparente, Les Venelles de la faim attire plus que de raison. Avec sa personnalité affirmée UT plonge le lecteur dans un monde d’outre-temps et de folie où les enfants se nourrissent d’histoires et leurs parents de chairs. Le magnétisme qui s’échappe de ce premier volet de triptyque doit énormément au superbe dessin. En noir et blanc, Corrado Roi cultive un graphisme dont la finesse du trait et les aplats se fondent et emplissent chaque planche d’une charge esthétique et émotionnelle peu courante. Ainsi, Ut doit autant à l’onirisme macabre de son scénario qu’à l’évanescence sépulcrale de son dessin.

Pour conclure, une fois n’est pas coutume, une mention spéciale pour le soin et la qualité apportés à la version française de ce fumetti qu’il aurait été dommage de manquer.

Moyenne des chroniqueurs
7.3